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J’ai mentionné, parmi les économies à réaliser, le meilleur emploi des forces naturelles. Il en est une qu’une usine trouve à sa disposition immédiate et dont l’utilisation dépend beaucoup du plan d’organisation première, de la place choisie pour l’usine et de la distribution des ateliers : c’est la gravité. Les vieilles usines sont souvent gênées à cet égard. Néanmoins on peut, même dans un pays de plaine, arriver à n’effectuer qu’une seule élévation première suivie d’une descente continue ; de même que, dans une mine, on commence par amener sans peine l’eau ou le charbon jusqu’à un point plus bas pour les extraire ensuite d’un seul coup dans le puits. Aussi bien dans une gare de triage qu’au voisinage d’une installation minière, c’est un spectacle curieux que de voir les wagons ou wagonnets choisir eux-mêmes leur direction et aller se grouper, se former par trains sélectionnés, d’une façon automatique. Cette solution idéale de la manutention continue n’est pas toujours possible. Du moins peut-on généraliser les engins mécaniques de tous genres, les chariots spécialisés, les trucks électriques à accumulateurs.

Mais il faut bien penser, quand on est tenté de raisonner dans l’abstrait sur les forces naturelles, que la pratique ne saurait, pour une foule de raisons locales et particulières, se plier à toutes les exigences de la théorie. Cela apparaît avec une netteté spéciale pour l’emploi de la houille blanche et contribue à vicier les calculs trop optimistes que l’on fait parfois sur notre richesse à cet égard. La houille blanche a les inconvénients de ses avantages. Tout ce qu’on n’en utilise pas immédiatement, tout ce qu’on n’accumule pas dans des réserves toujours très limitées est définitivement perdu, tandis que le charbon d’une concession inexploitée peut attendre des siècles dans la terre. Or, il se présente une foule de cas où, possédant une chute d’eau à sa disposition, ou même un moulin à eau aménagé, le calcul du prix de revient amène néanmoins à préférer l’usage de la vapeur. L’intérêt général serait alors de mettre à profit une force qui se perd ; l’intérêt particulier conduit à la négliger. Le rôle de l’Etat devrait être de favoriser, par tous les moyens, la consommation fructueuse de cette force hydraulique, au lieu de poursuivre souvent un avantage financier momentané et local.