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s’impose, c’est celle que, tout récemment, la Gazette des Ardennes exprimait, comme légende d’une saisissante image :


Trois ans et demi de guerre ont fait une profonde blessure au flanc de la France : villes et villages ravagés, cités industrielles détruites, champs dévastés et rendus incultes par le fer des obus.

Quand cette blessure pourra-t-elle se fermer ? Ou bien s’élargira-t-elle encore, soit vers le Sud-Ouest et l’Ouest (si les Allemands poursuivent leur avance victorieuse), soit vers le Nord-Est (si les désirs de Mme Clemenceau et Lloyd George se réalisaient) ?

Combien cette blessure eût été moins profonde, moins large et plus facile à guérir, si les politiciens avaient songé plus tôt à faire la paix ! [4 mai 1918.]


Le devoir de l’avenir est clair. Terminons la guerre par un « arrangement » qui ne coûtera rien à personne, qui laissera tout le monde vainqueur. Et constituons une Europe nouvelle, dont une entente franco-allemande sera la base inébranlable :


Tout le monde est d’accord sur la nécessité que l’Allemagne et la France comptent parmi les fondateurs de la Confédération européenne, et que leur alliance entraîne certains effets. Ainsi, on reconnaît qu’un accord entre l’Allemagne et la France est la première condition nécessaire à la création de la fédération, et que l’adhésion d’un certain nombre d’autres États en est la seconde condition ; c’est là le gage de sécurité et de paix pour les peuples européens.


Travailler à cet accord, c’est le rôle providentiel qui appartient à la Suisse pacifique, et qui, elle aussi, a eu tant à souffrir de la guerre[1].


On voit maintenant où tend tout ce luxe de propagande allemande. Innocenter l’Allemagne, la pacifique, humanitaire, et d’ailleurs toute-puissante et invincible Allemagne ; détourner d’elle les responsabilités de la guerre, et en charger l’Entente ; démontrer que, pour la France en particulier, la guerre est une désastreuse « affaire ; » exploiter la crédulité, l’ignorance et la lassitude ; insinuer par tous les moyens l’idée d’une paix

  1. Comment l’Angleterre combat les neutres par ***, Zurich, Orell Füssli, 1917 ; — l’Entente et la Grèce, par Michel Passaris, Genève, Ed. Pfeffer, 1917 ; — Tous vainqueurs ! Une proposition et un appel, par un Européen, Zurich. Orell Füssli, 1916.