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La Prusse volera tout ce qu’elle pourra, et, pour le conserver, jamais elle n’ôtera le pied qu’elle aura mis sur la gorge de ceux qu’elle aura vaincus ou surpris. Elle forcera toute culture étrangère à adorer sa barbarie. Elle ne croit qu’à la force du poing.


Sur les innombrables fautes qu’a commises la France avant et pendant la guerre, sur les devoirs qui s’imposent désormais à elle, tracts, brochures, journaux ne tarissent point. D’abord, c’est, de toute évidence, la France qui a voulu et préparé la guerre : la France, depuis quarante-quatre ans, n’a jamais songé qu’à « la revanche. » Si vous en doutiez, lisez les innombrables articles où le journal la Paix, — dont la rédaction et l’administration sont officiellement installées à Berlin, — et la fameuse Gazette des Ardennes reviennent inlassablement sur cette vérité première ; lisez aussi certaine brochure intitulée : la France et la Revanche[1] :


Il est rare qu’un pays quelconque ait préparé une guerre avec une ardeur si infatigable, avec une telle opiniâtreté et un tel manque de scrupules que la France pour la guerre actuelle. Sa politique extérieure n’était guidée que par l’idée de revanche ; à l’intérieur, tous les dirigeants, à de rares et insignifiantes exceptions près, ont éveillé et cultivé la plus ardente des soifs de vengeance, qui privait le peuple de raison et de bon sens et le faisait languir après la guerre.


Battue en maintes rencontres, envahie, ruinée, ravagée, saignée aux quatre veines, la France non seulement a lié sa fortune à celle de la Russie et de l’Angleterre par le funeste pacte de Londres, mais elle a repoussé follement, avec une rare insolence, la main loyale qui s’offrait généreusement à elle[2]. Et que lui a rapporté cette prodigieuse obstination ? De nouveaux deuils, de nouvelles dévastations, de nouvelles défaites ; aussi, que tous les mois, le Journal de la Guerre résume et commente, à l’usage des lecteurs neutres ou des lecteurs français des régions envahies. La conclusion qui, manifestement,

  1. La France et la Revanche, Karl Curtius, Berlin, 1918. — Une autre brochure, de E. D. Morel sur la Part du Tsarisme dans la guerre (Reimar Hobbing, Berlin) développe le thème que M. de Kühlmann a repris dans son récent discours au Reichstag. — Cf. Dr Ed. David, député socialiste au Reichstag, Pourquoi les peuples se battent, discours prononcé à Stockholm, le 6 juin 1917, F. Wyss, Berne, 1917.
  2. La première offre de paix et la première paix, Librairie nouvelle, Lausanne. 1918. — Paroles et actes : les conférences de l’Entente et leurs effets, id. 1918.