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scientifique, rédigé par le baron von Hadeln, qui eut soin de tout cet arrangement, et intitulé : Le Musée « Au Pauvre Diable » à Maubeuge, Exposition d’œuvres d’art sauvées de Saint-Quentin et environs. Édité par ordre du commandement en chef. Stuttgart, 1917. » L’âme allemande est presque tout entière dans ces innocentes phrases.

C’est à Valenciennes qu’a été transporté « tout ce qui avait de la valeur dans les collections publiques de Cambrai, Douai et Lille, » « dans un travail qui prit des mois, sans être encore achevé. » Et s’il faut en croire M. Dimmler, le musée de Valenciennes ainsi transformé, sans « le moindre encombrement ou désordre, » « présente un ensemble bien composé. » Croyons-l’en sur parole. Et recueillons surtout sa conclusion, sa pathétique conclusion :


En Allemagne, comme en France, malgré toutes les dissensions politiques, on a gardé le même sentiment vis-à-vis de l’art, un respect profond et une admiration d’autant plus émue que le sourire de la beauté est encore une dernière consolation qui nous reste dans ces temps terribles… Peut-être alors qu’à ces sentiments se mêlera aussi un peu de reconnaissance pour ces hommes qui ont mis tous leurs efforts à la disposition de cette œuvre de sauvetage. Ils n’ont pas parlé pour l’art, ils ont agi et, soldats dévoués à leur patrie, ils ont su, en même temps, être ceux de l’humanité.


Pour souscrire à ce langage peut-être un peu emphatique, il ne resterait plus maintenant qu’à trancher deux toutes petites questions qui ne peuvent manquer de se poser à l’esprit des lecteurs suisses ou français de l’Almanach illustré de la Gazette des Ardennes :

D’abord, jusqu’à quel point ces dévoués « sauvetages » n’ont-ils pas été pratiqués dans une pensée, sinon de vol, tout au moins de lucre ? Et par hasard, ces œuvres d’art n’auraient-elles pas été conservées pour servir de « valeur d’échange » au moment du règlement de comptes ?

Et, d’autre part, en quoi la préservation des pastels de La Tour justifie-t-elle les Allemands d’avoir, sans aucune nécessité militaire, — l’univers entier, sauf l’Allemagne, en est convaincu aujourd’hui, — détruit la cathédrale de Reims ? Voilà, au point de vue de l’art, le crime inexpiable.