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emporter : machines, installations électriques et hydrauliques… » Et cela est sans doute fort attendrissant.

Seulement… Seulement, il y a le livre tout récent d’un honnête Allemand, le Dr Muehlon, ancien directeur de Krupp, sur l’Europe dévastée[1], — un livre qu’on devrait bien traduire et répandre à profusion chez les neutres et chez les Alliés. Et M. Muehlon nous apprend qu’une commission d’enquête, composée, entre autres grands personnages, du ministre de l’Intérieur, du premier président, est rentrée à Berlin sans avoir pu établir l’exactitude d’un seul des faits dont on avait mené si grand bruit. Elle aurait même déclaré, — à huis clos, — que très souvent la population et les autorités de la Prusse orientale se sont exprimées en termes fort élogieux sur le compte des Russes. On s’est, d’ailleurs, bien gardé de détruire l’odieuse légende : « les Allemands, nous dit M. Muehlon, répandent la vérité ou le mensonge selon que cela convient ou non à leurs fins. » Nous en croyons plus volontiers M. Muehlon, qui est Allemand, que « le jeune Anacharsis, » qui est peut-être Grec.


Après le reproche de « barbarie, » il n’en est peut-être aucun auquel les Allemands aient été plus sensibles qu’à celui de « vandalisme. » Et ils ont multiplié les efforts, — et les brochures[2], — pour essayer de l’écarter, et de le retourner contre l’adversaire. Eux, les joyeux destructeurs de nos cathédrales et de nos plus beaux monuments historiques ? Comme l’on méconnaît leurs âmes d’artistes, de poètes, de pieux adorateurs du passé ! On ne saura jamais toutes les larmes de sang qu’ils ont versées sur les chefs-d’œuvre que, pour d’inéluctables nécessités militaires, ils ont été obligés de détruire, ou plutôt d’endommager. Combien différents en cela de ces insouciants Français qui, non contents, pendant la paix, ainsi que Maurice Barrès le leur a si justement reproché, de laisser leurs églises tomber en ruine, ont négligé de mettre à l’abri les œuvres d’art qu’ils possédaient, et, aujourd’hui, de gaieté de cœur, sans

  1. W. Muehlon, Die Verheerung Europas, Zurich, Orell Füssli.
  2. La destruction de la collégiale de Saint-Quentin, Lausanne, Librairie nouvelle, 1918 ; — la Basilique de Saint-Quentin, ses rapports avec la science, sa destinée dans la guerre mondiale ouvrage orné de 16 gravures, par le R. P. franciscain, Dr Dreiling, Lausanne, Librairie nouvelle, 1918.