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opinions préconçues. » Et c’est à quoi ont travaillé de nombreux compilateurs. L’un d’eux, le Dr Ernest Bischoff, a extrait, à l’usage des lecteurs de langue française, les « documents et rapports contenus dans les deux Livres blancs de l’Office allemand des colonies ; » un professeur suisse, fougueux germanophile, a préfacé ce recueil de dépositions des principales « victimes » de la « barbarie » française et anglaise au Cameroun et au Togo, et il nous invite à « juger les choses » « d’un point de vue humanitaire général. » Il est facile de lui donner cette satisfaction.

Ces dépositions ont été, nous dit-on, recueillies « sous la foi du serment. » Il est probable qu’un certain nombre d’entre elles sont sujettes à caution. N’oublions pas que les Allemands, pour des raisons plus politiques que sentimentales, ont essayé de créer une légende d’après laquelle leurs prisonniers et leurs coloniaux auraient été en Afrique accablés par nous de mauvais traitements : pour les soustraire à ce prétendu « enfer, » ils en ont imaginé un autre, réel celui-là, ces effroyables camps de représailles où ils ont fait vivre, — on se rappelle dans quelles conditions[1], — 30 000 des nôtres. Or, il est établi, par des témoignages neutres, et même allemands, que tout était faux dans les accusations qu’outre-Rhin on ne se lassait pas de lancer contre nous. Et voilà qui doit nous induire en défiance contre les attestations officielles de la bonne foi germanique.

Cette réserve faite, il faut reconnaître qu’il est difficile de contrôler l’exactitude des témoignages qui nous sont ainsi fournis. Nous ne saurons jamais s’il est vrai que le consul allemand de Libreville, emmené en captivité à Cotonou, « lors de l’embarquement, dut porter lui-même son bagage sur le bateau, et le tirer du magasin à l’arrivée à Cotonou. » Et pareillement, nous ignorerons toujours si le pasteur Schwarz interné à Duala est fondé à déclarer : « Les soldats noirs anglais ont brutalement arraché à ma femme l’anneau qu’elle portait au doigt. » Hélas ! les soldats blancs allemands en ont commis bien d’autres !

  1. Voyez dans la Revue des 1er et 15 mars 1918, les douloureux articles intitulés : Dans les camps de représailles, et, pour la réfutation péremptoire des calomnies allemandes, la brochure : les Prisonniers allemands au Maroc : la Campagne de diffamation allemande, le Jugement porté par les neutres, le Témoignage des prisonniers allemands, avec 32 planches de photographie tirées hors texte, in-8o, Paris, Hachette, 1917.