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songé qu’à raconter une histoire vraie, qui n’a rien à faire avec Mlle de La Vergne et le comte de La Fayette : il ne sait pas les noms du héros et de l’héroïne ; il sait que l’histoire s’est passée au Marais et qu’il l’a contée parce qu’elle lui a paru amusante. La défense a l’air sincère. La gazette que l’on reproche à Scarron est datée, dans le Recueil, du 2 février 1655 : elle serait ainsi de deux semaines antérieure au mariage. Sans doute, Scarron ne pensait-il point à Mlle de La Vergne ni au comte de La Fayette, quand il a rimé cette anecdote.

Il reste que le public a mis les noms de La Vergne et de La Fayette sous ces petits vers impertinents. Et il reste qu’au dire de Tallemant l’on eut tant à se dépêcher que M. de Limoges avait usé de ses prérogatives pour hâter les formalités religieuses. Il y aurait pourtant de la malignité à chercher, là-dessus, des interprétations désobligeantes. Si le mariage de Mlle de La Vergne se fit promptement, prestement, et fut comme un peu bâclé, nous avons tout le très simple secret de l’aventure dans cette lettre de Mme de Sévigné à Madame Royale en date du 1er janvier 1655. Cette excellente épouse ne vivait pas, loin de son mari, malade peut-être et menacé de maints périls : elle voulait partir pour Champiré sans retard. Elle était plus tendre épouse que mère très attentive. Elle n’a pas laissé traîner le mariage de sa fille. Et voilà tout ! Mais « le monde est méchant, ma petite ! » Et il l’était, à l’époque de Tallemant déjà.

Mlle de La Vergne se maria si promptement que, pour la complimenter, M. Costar fut pris au dépourvu. Il n’était pas improvisateur. Il avait une lenteur de travail qui eût voulu de longues fiançailles : de sorte que, sa lettre terminée, Mlle de La Vergne était Mme de La Fayette. Il la complimente. Il lui dit : « Madame, il y a de la sûreté à se réjouir avec vous de votre heureux mariage… » Quelle sûreté ? pourquoi ce mariage est-il un heureux mariage ? « Car on doit être également persuadé qu’il est de votre choix et que vous ne sauriez faire que de bonnes élections… » C’est un raisonnement. Et son assurance ne va point à l’enthousiasme ; il montre même une terrible modération dans son espérance et dans ses vœux : « Il est presque impossible que vous ne soyez aussi satisfaite dans cette nouvelle condition que vous l’avez été dans la première… » Et pourquoi ? C’est qu’il l’a bien jugée, une « des plus raisonnables