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Philippe Auguste. Les autres Gilbert du Molier, seigneurs de La Fayette, se distinguent généralement par leurs fondations pieuses et leur belle conduite dans les guerres contre les Anglais. Un Jean du Motier fut tué à la bataille de Poitiers, combattant auprès du Roi. Mais le grand homme, et de qui date la renommée de la famille, est Gilbert VII, au début du XVe siècle, conseiller chambellan du roi Charles VI et de Mgr le Dauphin, régent du royaume, son lieutenant et capitaine général dans le Lyonnais et Maçonnais et maréchal de France pour avoir, le samedi saint de l’année 1421, battu à Baugé le duc de Clarence et la gendarmerie anglaise. Au XVIe siècle, un Jean du Motier, comte de La Fayette, épouse une Françoise de Montmorin : et, par cette alliance, il y a, si l’on veut, quelque parenté entre deux femmes qui, à cent années d’intervalle, ont délicieusement possédé les grâces de l’esprit français, Mme de La Fayette et Mme de Beaumont, née Montmorin de Saint-Hérem. Jean de La Fayette et Françoise de Montmorin eurent, parmi leurs enfants au nombre de six, un fils, Pierre du Motier de La Fayette, qui fut tué à la bataille de Moncontour en 1569 et qui se trouve extrêmement maltraité par le terrible Jean de Serres, dans son Recueil des choses mémorables. Jean de Serres appelle La Fayette « voleur insigne, » tout nettement.

Il raconte qu’au mois de mai 1562, avec d’autres chefs et soldats du parti romain, La Fayette vint à Nevers et se rua sur « ceux de la religion, » emprisonna les ministres, fit rebaptiser les enfants, réitérer les mariages et « nettoyer » les maisons. Il l’accuse d’ « infinis pillages sur les bateaux passans par-là » et d’avoir enfin rapporté en sa maison d’Auvergne un butin de quarante à cinquante mille écus. Le mois d’après, La Fayette pénétra dans la ville de la Charité, qu’il assiégeait depuis le printemps : « ceux de la religion furent pillés et rançonnés en tant de sortes qu’ils n’en pouvaient plus, par La Fayette, à qui rien n’était trop chaud, ni trop froid, ni trop pesant. » Voilà ce que dit Jean de Serres ; mais il écrit plus tard et n’a pas vu ce qu’il raconte. Et Moréri nous avertit de ne pas nous fier à ce huguenot passionné qui recueillait les plus anciennes rancunes de ses coreligionnaires. Mais comme, dix années après la révocation de l’édit de Nantes et à l’occasion de la mort du fils cadet de Mme de La Fayette, le Mercure galant glorifie les La Fayette d’avoir bien défendu l’Église contre les huguenots, il est