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La Fayette, que l’auteur du Triomphe de l’indifférence substitue à la vraie et vivante. L’aventure de la vraie et vivante n’était pas si ancienne qu’on se permit de la conter. Mais, sous le déguisement, c’est la vraie et vivante La Fayette que l’on invoque en témoignage des tribulations que l’amour cause. « Je ne me souviens jamais de cette fille qu’avec une extrême douleur… »

Mlle de Saint-Ange condamne l’amour. Mlle de La Tremblaye ne cède pas facilement à l’attrait de ces mots, « une heureuse indifférence. » Elle dit : « Ce n’est pas un grand bonheur de ne rien aimer ! » Mlle de Saint-Ange répond : « Ce n’est pas véritablement un grand bonheur… L’indifférence est un état assez languissant ; mais la paix ou le repos dont il est accompagné le rend infiniment préférable aux amères douleurs de l’amour. Ne convenez-vous pas de cela, mademoiselle ? » Mlle de La Tremblaye, avec chagrin, convient de cela. Elle est vaincue ; elle consent que « le meilleur est de vivre sans attache. » Et c’est aussi ce que dit Mlle de La Vergne à Ménage : « Je suis si persuadée que l’amour est une chose incommode que j’ai de la joie que mes amis et moi en soyons exempts. » Voilà son opinion de jeune fille. Quelques années plus tard, en 1663, au printemps, à la campagne, elle composera un petit traité qu’elle entend ne montrer à personne, ou à Corbinelli seulement ; et Corbinelli l’a montré à Mlle de La Trousse, qui l’a montré à Huet, qui ne l’a peut-être pas tenu fort secret. Ce petit ouvrage, quelques pages écrites « sur le bout d’une table, » est perdu. Mme de La Fayette l’appelle « un raisonnement contre l’amour. » Et tous ses livres sont, en quelque façon, des raisonnements contre l’amour : des raisonnements appuyés sur des faits ou des remarques, enfin des opinions : l’amour y est peint de couleurs sombres.

Cependant, Mlle de La Vergne se marie : et elle épouse le frère de la mère Louise-Angélique, autrefois Mlle de La Fayette à la cour du roi Louis XIII.

François de La Fayette appartenait à l’une des plus illustres et anciennes familles de l’Auvergne, zélée au service du Roi et de la religion. Son premier ancêtre connu, Gilbert du Motier, est mentionné au cartulaire de Soucillange, pour une fondation qu’il a faite en l’année 1025. Gilbert II se croisa l’an 1095, sous le règne de Philippe Ier, et Gilbert IV, sous le règne de