Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/867

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’obligeantes dames est encore le signe de ce qu’il réclamait : et l’on devine, je crois, une scène de galanterie poussée avec autant d’ardeur que de grâce. Sa légèreté est remarquable, dans le moment que sont en cause tant de grands intérêts, de par lui. Sa fatuité est singulière, qui lui fait chercher maintes explications, touchant une jeune fille un peu malaisée à séduire. Il admet cependant qu’il ait pu ne plaire pas beaucoup. Mais il est un philosophe cynique ; et il sait que, d’habitude, la question de plaire ou non n’est pas le principal. Il a compté sur des attraits qui ne tiennent point à sa personne. Il n’était pas beau. Tallemant l’appelle « un petit homme noir qui ne voit que de fort près, mal fait, laid et maladroit de ses mains à toutes choses. » Si maladroit qu’il ne savait pas se boutonner ; si maladroit qu’un jour, à la chasse, il fallut que M. de Mercœur lui remît son éperon ; si maladroit que son écriture n’était que du « griffonnis » et que ses lignes faisaient des « arcades ; » si maladroit qu’il en était malpropre, et surtout à manger. Tourné comme il l’était, la soutane lui allait mieux que l’épée, allait mieux non point à son humeur, encline à l’amour et aux amours tapageuses, mais allait mieux à son corps grêle. Avec tout cela, si l’on en croit Tallemant, « il n’avait pourtant pas la mine d’un niais ; » et « il y avait quelque chose de fier dans son visage. » Que sa laideur fût rehaussée de génie, on s’en doute ; mais son génie était de malice. Il avait le charme d’un homme qui a tout vu et tout compris, tout méprisé finalement. C’est un charme qui impose, en fait de femmes, à des sottes, car il en a raison très vile, ou à des rouées, car elles en apprécient la subtile perfection. Mlle de La Vergne n’est ni sotte ni rouée : sans niaiserie, elle est jeune fille et crédule à des idées, ou fût-ce à des illusions, que le sourire de Retz lui dénigre. Et puis, elle est honnête, tout simplement : c’est ce qu’il a oublié de se dire.

Il n’oublie pas de dire qu’elle était « fort jolie. » Et c’est bien heureux, parce qu’on a dit le contraire : mais un pareil témoignage emporte la question. Ses portraits, une douzaine de pauvres images au Cabinet des Estampes, ne sont pas jolis et même ne donnent aucune idée de quelque attrait qu’on lui voulût attribuer. On l’y cherche vainement. Ces images n’ont pas de ressemblance entre elles : et à laquelle ressemblait-elle un peu ?… Mais elle était « fort jolie » : Retz a l’autorité d’un