Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/845

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les reverra monter à l’assaut, ce seront les mêmes soldats, — car les mêmes régiments devaient reparaître aux mêmes lieux, — mais la longue guerre aura transformé en guerriers expérimentés ces bouillants soldats. Et ce n’est pas seulement sur un point que le plateau sera enlevé, mais sur tous, au cours de cette deuxième et célèbre bataille de l’Aisne.


LES CONCLUSIONS

Celle de 1914 n’avait point donné les résultats qu’on en avait un instant attendus. Elle ne les pouvait donner que dans le très court laps de temps où l’ennemi, désemparé par sa défaite de la Marne, cherchait dans le massif un abri que, contrairement à la légende, il n’avait pu, à cette heure, que très sommairement fortifier.

Pourquoi cette poursuite ne put-elle avoir lieu, telle que celle qui transforma, en octobre 1806, pour l’armée prussienne, la défaite d’Iéna en un effroyable désastre ? Il faut songer au tour de force qu’avait été le rétablissement de la Marne : il était sans précédent qu’une armée déjà cruellement éprouvée, retraitant depuis douze jours, eût, faisant un simple demi-tour, combattu, vaincu et refoulé l’ennemi en quatre jours de deux combats. L’effort demandé à nos troupes pendant ces dix-sept jours, du 25 août au 10 septembre, sans parler des marches et combats qui, pour la plupart d’entre elles, avaient précédé le 25, excédait les forces humaines, physiques et morales. L’armée de Maunoury, elle, avait, — du 5 au 9, — supporté la poussée d’une armée numériquement deux fois supérieure et était, de l’avis de son chef, grand soldat qu’on ne peut soupçonner de sensiblerie, exténuée au point de ne pouvoir marcher. Quant à la cavalerie, à qui assurément revenait plus qu’à l’infanterie le soin de la poursuite, on sait que l’emploi assez peu prévoyant qu’on en avait fait depuis un mois avait crevé ses chevaux et éreinté ses hommes. Soudain, quand son rôle commençait, elle se trouvait incapable de remplir sa tâche. Ainsi l’ennemi ne fut-il pas poursuivi l’épée dans les reins, put-il passer l’Aisne et s’établir sur le plateau sans être talonné. Peut-être cependant eût-on pu encore l’en couper en dirigeant les troupes droit vers le Nord. Au lieu d’aller droit au Nord, les Anglais et d’Esperey