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dans le dispositif allié. Devant des forces allemandes qui ne paraissaient pas encore sensiblement diminuées, il eût été souverainement imprudent de diminuer de trois corps l’importance des effectifs qu’on leur opposait.

Comme sur le front anglais, les Allemands avaient, en effet, sur le front d’Esperey, tenté une assez vigoureuse réaction.

Dans la nuit du 25 au 26, leur effort se porta sur le flanc droit de la oc armée : le 3° corps attaqué avec la plus grande violence entre le Godat et Loivre, à l’Ouest de Brimont, se défendit avec une magnifique énergie. Sous le général Hache, deux divisionnaires, qui devaient s’illustrer à des titres et des degrés divers, étaient résolus à tenir et au besoin à réagir. A gauche, c’était le général Pétain, commandant la 6e division, à droite le général Mangin, commandant la 5e. Avec la froide opiniâtreté et la calme énergie qui l’ont toujours caractérisé, le premier repoussait les attaques, reprenait le terrain un instant perdu et progressait par sa gauche, encore que les forces dont il disposait s’épuisassent, régiments réduits au tiers de leur effectif, officiers fauchés à la tête de leurs unités, le seul 5e de ligne perdant trois fois en trois jours son chef de corps. Quant au général Mangin, impatient devant les attaques, il « insistait pour avoir deux bataillons sénégalais avec lesquels il se faisait fort de nettoyer les pentes orientales du massif de Saint-Thierry. » Ainsi, en ces semaines de 1914, s’affirmaient le caractère et je dirai le tempérament, différemment mais admirablement énergique, de deux futurs chefs de nos armées. Le résultat était que, les Allemands ayant un instant passé le canal, ils étaient vigoureusement ramenés sur l’autre rive.

Gardé sur son flanc droit par l’héroïsme du 3e corps, d’Esperey pouvait supporter sur le front Nord le suprême effort de réaction allemande. Le 18e corps était assailli, dès le 26, avec une particulière âpreté. A tout prix, l’ennemi voulait reprendre l’entrée du Chemin des Dames. Attaqué à quatre heures surtout son front, le corps Maud’huy se battit avec son habituelle ardeur. Tandis que la 38e division repoussait, au prix de fortes pertes, sur le plateau du Moulin de Vauclerc, l’assaut de forces supérieures, la 36° ne fléchissait un instant au Sud d’Hurtebise que pour se rejeter sur les tranchées perdues et les reprendre : le 41e de ligne y cueillit dans le sang un magnifique succès. La 35e division cependant opposait un front