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ennemi et de le contraindre à la retraite. » En conséquence, très éprouvé la veille, un peu effrayé par l’audace de Maud’huy, « qui, débordant le Chemin des Dames, eût entraîné, confiait-il à un officier, sa droite jusqu’à la distendre, et heureux de trouver dans le plan de débordement par la gauche du général Joffre une excellente raison de ne pas s’engager plus avant dans le dangereux dédale de ravins et de plateaux qu’offrait le massif, French se contenta de faire organiser ses positions. Le 1er corps resta au Sud du Chemin des Dames, le 2e au Sud de Chivres, le 3e le long de la rivière. C’est ainsi que Lamaze, attaquant à sa gauche, n’obtint point l’appui qu’il attendait de ce dernier corps et dut s’arrêter, nous l’avons vu, après de vains et héroïques efforts, sur les hauteurs de Cuffies et de Crouy.


Maud’huy, sur la droite des Anglais, avait paru, lui, entamer sérieusement le massif. A la vérité, sa mission était simplement, en s’emparant, d’Hurtebise à Craonne, de la partie orientale des plateaux, de couvrir la gauche du groupe Valabrègue qui, ainsi protégé contre toute surprise sur son flanc, s’engagerait, pensait-on, délibérément dans la trouée entre Corbeny et Prouvais. Encore fallait-il que, sur son flanc droit, d’autre part ; celui-ci ne fût pas inquiété et que, partant, Brimont n’arrêtât pas le 3e corps dans sa marche vers le Nord-Est. Ce corps et le 1er même ne pouvaient continuer à avancer que si, Brimont étant ou réduit ou tourné, Berru, Nogent-l’Abbesse au Sud, et plus au Sud encore, la Pompelle cédaient devant les 1er le 10e corps. L’armée d’Esperey se trouvait en effet devant un coude du front ; il lui fallait faire face au Nord et à l’Est et, tirée sur sa droite par sa liaison avec la 9e armée, elle ne pouvait assurer autant qu’il eût convenu la liberté de sa marche au-delà de l’Aisne où ne cessaient de la pousser les ordres pressants du général en chef. Le général d’Esperey dépensait, pour faire face à une situation si complexe, une activité quelque peu inquiète.

Maud’huy et Valabrègue seuls étaient dans la direction rêvée. Le premier avait d’abord pensé s’engager dans la direction d’Amifontaine, en plaine. Mais l’ennemi paraissant s’installer, — plus ou moins sérieusement, — sur le massif, il eût été téméraire de laisser sur notre flanc gauche une pareille