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Le 1er corps avait, alors pris comme points de direction plus ou moins lointains, Chamouille, Courtecon et Presles. La cavalerie, à sa droite, et la 1re division, ne rencontrant, chose imprévue, qu’une courte résistance, se portèrent en avant, refoulant l’ennemi jusqu’aux pentes ; à l’extrême-gauche, la 4e brigade de la Garde se heurta à une vive résistance dans Chavone, mais força le passage. L’ennemi abandonna la vallée et se retrancha sur les plateaux.

Avant de l’y attaquer, le Maréchal, — toujours prudent, — entendait que le passage de la rivière fût largement assuré. Ce fut, pendant les journées du 14 et du 15, le génie qui travailla. Travail pénible : les obus pleuvaient, mais les sapeurs les voyaient tomber avec ce flegme qui est une des belles formes du courage. Le pis était que, le temps étant depuis plusieurs jours pluvieux, les abords de la rivière devenaient vaseux. Néanmoins, après quarante-huit heures d’un travail acharné, huit ponts de bateaux étaient établis et une passerelle jetée, les trois ponts carrossables de Venizel, Missy et Vailly réparés, le pont du chemin de fer entre Vailly et Chavone rétabli.

Le 15 enfin, French se décida à faire avancer ses troupes. A la vérité, c’était pour sonder l’ennemi plus que pour le bousculer : le Maréchal en était encore à se demander si celui-ci ne marquait pas simplement un arrêt temporaire couvert par de fortes arrière-gardes ; voulant en avoir le cœur net, il donna l’ordre d’attaquer. Le principal acteur de cette attaque devait être le général Douglas Haig, commandant le 1er corps, à qui son grand chef décerne avec raison ce brevet d’opiniâtreté que le futur Maréchal devait si souvent justifier par la suite[1].

Le corps Haig reçut l’ordre d’attaquer le plateau de Chivy, au Nord de Pontarcy. A 3 heures du matin, les Fusiliers du Roi et le Royal Sussex se portaient en avant, tandis que le Northampton Régiment était dirigé à droite sur l’éperon Est de Troyon et le Loyal North Lancashire, un peu plus tard, sur Vendresse, la droite de Haig s’appuyant sur le plateau de Paissy où jadis les cavaliers de Nansouty avaient fait une si belle conduite aux cosaques de Woronzof. Il y eut sur le plateau une suite d’engagements assez âpres ; les contre-attaques succédant aux contre-attaques, les Allemands furent finalement rejetés à la baïonnette.

  1. Voir ce que je dis du général Haig et de son rôle devant Ypves. — La Bataille des Flandres, dans la Revue des 15 juillet et 1er août 1917.