Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/820

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hasardées pour tenter une attaque sur des positions qui se révélaient sérieusement défendues. Force fut, après une attaque qui coûta cher, d’y renoncer jusqu’à ce que l’armée anglaise pût, par un mouvement en avant, faciliter notre tâche. Cette aide ne se produisant pas, la 45e division reprit, le 15, ses attaques qui, après avoir lentement progressé, furent arrêtées.

Le général de Lamaze n’était pas homme à rester sur cet échec. Il fallait, lui disait l’armée, forcer le couloir avant que l’ennemi se fût encore renforcé au Nord de Crouy. Sans attendre que les Anglais vinssent à la rescousse, il donna ordre d’ « attaquer avec la plus grande violence. » La brigade marocaine (général Ditte) se jetterait, le 10, avant le lever du jour à l’assaut, de façon que le succès pût être exploité par les autres troupes et fût pour elles le signal d’une attaque générale « qui devra être menée à fond, résolument, sans arrière-pensée, » écrit Lamaze. La brigade s’élança contre la croupe 132 avec un admirable courage : elle enleva une partie des tranchées allemandes, mais fut arrêtée par les barrages à 300 mètres au Sud de la ferme La Perrière. Les 45e et 55e divisions, derrière elle, essayèrent de progresser : elles le firent jusqu’à ce que leurs premiers éléments fussent arrivés à « une zone de mort infranchissable. » Ordre fut donné de se fortifier sur les positions conquises et on se mit à remuer la terre, — en attendant que l’armée anglaise donnât par sa gauche.


L’état-major anglais, suivant ses principes, entendait, avant d’attaquer à fond, que les ponts fussent assez solidement établis pour que l’artillerie pût suivre immédiatement l’infanterie. La résistance qu’il rencontrait lui faisait envisager le 13 que, décidément, c’était une grosse bataille qui s’engageait et l’esprit anglais répugne, on le sait, aux improvisations.

Le 2e corps avait trouvé, le 13, devant lui tous les ponts détruits « à l’exception de celui de Condé que l’ennemi tenait et continua de tenir jusqu’à la fin de la bataille. » Le 1er corps avait pu, par sa 2e division, passer l’eau à Missy : une de ses brigades put établir sa gauche à Sainte-Marguerite, au Nord Est de Bucy-le-Long. Le 3e corps ayant, lui, un beau pont, celui de Venizel, et ayant jeté un pont de bateaux à Soissons, la 12e brigade avait, le 13 au matin, pu franchir la rivière.