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permettre un étirage suffisant ; avec des cotons soyeux d’Egypte, on ne peut obtenir des tissus grossiers qu’à des prix hors de toute proportion.

La même réflexion s’applique bien plus encore aux succédanés : pâte de papier (textilose), orties, tourbe, etc. dont l’Allemagne a tant développé l’industrie depuis quatre ans. La fabrication de la textilose, antérieure à la guerre, a beaucoup prospéré par suite du blocus et lui survivra pour les tissus d’ameublement, les sacs ou même certains vêtements, mais remplace plutôt le jute que je colon. Il est évident que ce n’est pas avec dus orties ou de la tourbe filée, ni même en général avec de la textilose, que les Allemands alimenteront leurs exportations.

Reste la ressource des stocks constitués par les Allemands en pays neutres ou même belligérants. De tels stocks existent, on le sait, en Suisse et en Espagne.

Les Allemands accaparent la fabrication des usines suisses et la règlent au fur et à mesure, la livraison ne devant se faire qu’à la paix. Des dépôts de coton ont pu être établis également à Barcelone et à Madrid par l’intermédiaire de banquiers américains avant l’entrée en guerre des Etats-Unis. En Amérique, les Allemands avaient passé des marchés considérables. Par exemple, au début de 1916, ils ont pris livraison, à la Nouvelle-Orléans, Galveston et Mobile de 500 000 balles de coton, soit 125 000 tonnes, qu’ils ont payées comptant 130 millions de francs. Une grande partie de ces cotons était entreposée à bord des navires marchands internés. D’autres ordres avaient été passés, avec livraison after peace. Il y avait également des achats d’option avec faculté de résiliation dans un certain délai après la conclusion de la paix, etc. Tous ces artifices se sont trouvés mis en défaut par la déclaration de guerre américaine. Les Américains ont commencé à saisir les stocks allemands et, à la fin de 1917, ils en avaient déjà atteint pour près de 800 millions. On peut aller plus loin et rompre les contrats par voie de réquisition. La difficulté pratique la plus sérieuse est dans le « manque à gagner » qui en résultera pour la partie du commerce américain précédemment orientée dans le sens de l’Allemagne. Il pourra y avoir là un embarras momentané, nécessitant des compensations offertes par l’ensemble des Alliés à ceux qui seront particulièrement lésés. Mais, dans un avenir