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permettra à nos propres usines de recommencer à vivre.

Mais ce n’est pas assez ; en même temps que l’on établira une interdiction absolue de sortie vers l’Allemagne, il faudra rationner très rigoureusement les neutres sur le taux de leur propre consommation intérieure ; d’où révision ou interruption des traités de commerce : mesures qui pourront paraître quelquefois vexatoires, mais qui resteront fondées sur l’état de guerre. Les Alliés seront forcés, dans cette occasion, d’expliquer aux neutres avec netteté qu’entre les deux blocs ils ont à faire leur choix et que le pays qui n’est pas avec nous est contre nous. La Hollande, en particulier, pourra être invitée à ne pas envoyer ses produits coloniaux et son étain des Détroits on Allemagne. Il reste aujourd’hui, dans cet immense conflit, si peu de neutres réels qu’une telle « neutrophobie » ne doit pas sembler ici bien périlleuse.

Les mesures prohibitives que nous venons de prévoir, ce n’est pas, en général, nous Français, ce sont les États-Unis et l’Angleterre qui auront à les établir. Un autre côté de la question intervient alors. Notre intérêt français et l’intérêt commun du bloc allié à ce que la France vive et prospère, demandent qu’il existe, pour nous, de toutes manières et en tout temps, un tarif douanier plus favorable que pour les neutres, ou, plus tard, pour les ennemis. Si, par exemple, tous les Dominions concluent entre eux une alliance économique, les sacrifices faits par la France à la cause commune peuvent être considérés, sans établir aucun rapprochement entre les deux ordres d’idées, comme méritant, sous une forme quelconque, une association a cette entente.

J’ai fait allusion plus haut à l’Étatisme que de telles restrictions pourront entraîner. Une surveillance et un contrôle exercés sur le monde entier sortent, en effet, tellement d’un régime commercial normal et exigent, pour être effectifs, des prescriptions si sévères qu’on est amené à se demander si l’action directe des gouvernements ne serait pas utile pour centraliser les ventes et réduire ainsi les possibilités trop grandes de fraude et de contrebande. On arrive à concevoir des bureaux centraux de vente, analogues au « Wheat Executive, » qui, depuis la fin de 1916, s’occupe de rassembler et de répartir des stocks de blé pour les Alliés. On a même parlé à ce propos d’instituer des monopoles du coton, de la laine brute, des