Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/647

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce n’est qu’à ce moment que Gneisenau se décida à lancer ses hommes à la poursuite.

Seuls les Cosaques de Benkendorff avaient été, le 10 au soir, jetés dans le massif pour inquiéter nos, derrières : ils en avaient abordé le Sud par un énorme détour (Anizy-le-Château, Coucy-le-Château, Bagneux et Vauxrezis). Mais, débouchant du côté de Crouy, ils avaient été si mal reçus qu’ils avaient dû se replier, n’ayant pu qu’enlever dans sa voiture- le préfet de l’Aisne, le baron Malouet, qui, sur le bruit prématuré de la reprise de son chef-lieu, courait en poste de Soissons à Laon. Ce qui permit plus tard à Benkendorff d’écrire une brochure : Des Cosaques et de leur utilité à la guerre.

Si « utiles qu’ils soient à la guerre, » les Cosaques s’y laissent parfois prendre ; car, poursuivie par eux, toute une vaillante compagnie, devant le Moulin de Laffaux, — que les affaires de 1917 ont rendu glorieusement célèbre, — les attira dans un guet-apens et en nettoya la région pour un jour. En fait, le 11 à trois heures, toute l’armée était en sûreté à Soissons, couverte à la ferme La Perrière, au Nord de Crouy, par les avant-postes.

Gneisenau songeait moins à aller relancer l’Empereur à Soissons qu’à envelopper, à l’Ouest, le massif de l’Aisne, qu’il n’osait reprendre par le Nord. Bülow reçut l’ordre de gagner, par la Fère et la vallée de l’Oise, Compiègne qu’on espérait enlever aussi facilement que, le 3 mars, Soissons. La cavalerie battrait le pays entre l’Aisne et l’Oise. Sacken, le 15, reçut cependant mission de marcher sur Chavignon, Kleist d’occuper le plateau du Nord de Cliermizy à Bouconville, York de se porter sur Corbeuy et Berry-au-Bac. Sacken resta derrière l’Ailette, tâtant simplement le plateau méridional sans trop s’y aventurer. Bülow qui, à Compiègne, avait échoué devant la ferme attitude du général Othenin, se replia sur Laon. Mais déjà Napoléon était loin de Soissons. Il avait perdu la partie. La bataille de l’Aisne, c’était pour lui la destruction de l’armée Blücher. Celle-ci lui avait deux fois échappé. Certes il avait fallu un coup du Fatum, — la lamentable capitulation de Soissons, — pour qu’il ne l’acculât point sur la rive gauche même du fleuve à un engagement qui, étant donné l’état de l’armée prussienne, avait neuf chances sur dix de tourner pour elle en désastre. Il avait admirablement manœuvré de la Ferté-sous-Jouarre à Berry en tournant le feld-maréchal ; il avait