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le massif à l’Ouest, le soin avec lequel il avait installé son camp, l’entêtement qu’il avait mis à s’y maintenir, la résistance qu’il avait opposée aux sollicitations d’Iccius qui eut voulu entraîner toute l’armée sur Bibrax, la patience avec laquelle il avait supporté les provocations de l’armée ennemie sur la Miette, l’à-propos avec lequel il l’avait surprise en flagrant délit au passage de l’Aisne et la rapidité foudroyante avec laquelle il avait de Berry-au-Bac à Soissons, de Soissons a Breteuil, enveloppé le massif, font de cette première bataille de l’Aisne un des gros événements de sa carrière militaire. Il était guetté à Rome, compromis, presque perdu. On peut dire qu’il gagna l’Empire de loin, — là même où Napoléon devait vingt siècles plus tard, tenter de rétablir le sien et le perdre : — la région de l’Aisne.


IV. — LA BATAILLE DE NAPOLÉON. — DE L’OURCQ A L’AISNE

Les Gaules sont de nouveau envahies. L’invasion, — sans précédent, — a, dès les dernières heures de 1813, débordé l’Empire et pénétré en France par toutes les voies : Schwarzenberg, par la Suisse violée, a gagné la Haute-Seine, avec ses 200 000 hommes ; Blücher, traversant la Lorraine, avec ses 46 000 hommes, a occupé l’entre Marne et Seine ; les corps Bülow et Winzingerode, par la Belgique, ont envahi le Nord avec 66 000 hommes : 512 000 Allemands, Autrichiens et Russes, formidable avant-garde de deux millions de soldats, ont, dès les derniers jours de janvier, paru devoir se rencontrer sans éprouver de résistance sérieuse autour de Paris.

Napoléon, refoulé au-delà du Rhin, avec des lambeaux de la Grande Armée, a dû employer décembre et janvier à se refaire, avec ces débris et de jeunes conscrits, » une armée de fortune : soldats fatigués et soldats inexpérimentés, vieille garde usée, jeune garde novice, cadres insuffisants, artillerie médiocre, dans un pays qu’on peut légitimement tenir pour las sous un empereur qu’on croit à bout. Le Grand Empire est en ruine, l’Empereur condamné dans l’esprit de l’ennemi, la France envahie, menacée de dépècement. Mais Napoléon ne s’est pas un instant abandonné. Appelé à défendre contre un ennemi cinq fois supérieur en nombre la France avec sa couronne, on l’a retrouvé soudain tel que, quinze ans auparavant, il