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que leur pays était envahi, les Bellovaques de l’Oise déclarèrent qu’ils y couraient ; les Belges, désormais trop faibles, ne pouvaient, en face de l’année romaine intacte, s’exposer à un désastre. Ils décidèrent la retraite.

César l’apprit un peu tard. Il jeta cependant la cavalerie de Pedius et de Cotta à leurs trousses : elle les suivit pendant plusieurs lieues, taillant en pièces les arrière-gardes.

Quant à César, il quitta son camp, descendit rapidement l’Aisne, marcha sur Noviodunum (Soissons), capitale des Suessions, qui, quoique ville forte (propter lalitudinem fossæ murique altitudinem), émue par le spectacle des Belges en fuite qui l’envahissaient, et prise de panique devant l’installation des grosses machines de siège, se rendit sans combat.

César entendait accentuer le mouvement tournant. De Noviodunum (si on adopte l’hypothèse de Napoléon III dans sa Vie de César), il continua à descendre l’Aisne jusqu’à son confluent avec l’Oise, passa ce fleuve à Compiègne, se dirigea sur Braduspantium (Breteuil) devant lequel il dut rejoindre les troupes de Diviciac et, ayant fait capituler la place, marcha délibérément vers le Nord, — c’était sa « course à la mer », — où il allait réduire à la soumission les Ambiens (Amiens), puis battre derrière la Sambre, au Sud de Maubeuge, Atrebates (Artésiens), Viromandunois (Vermandois) et Nerviens (Flamands et gens du Hainaut) qu’il devait achever d’écraser près de Namur.

Mais dès que, de Soissons à Beau vais, César avait triomphé, le massif de l’Aisne tombait. César l’eut désormais sous la main. Il en fit une de ses plus sûres forteresses. A l’heure où la Gaule se soulèvera, en 51, Suessions et Rémois lui resteront fidèles. Assaillis par les Bellovaques révoltés, ils appelleront à l’aide, et c’est alors que César, pour les dégager, livrera, à l’Est de la forêt de Compiègne, cette bataille de Trosty qui, rejetant les ennemis au-delà de l’Aisne inférieure, fut le point de départ d’une nouvelle campagne de l’Oise. Le massif de l’Aisne était sauf.

On peut dire que César y avait gagné sa première grande bataille. Sa qualité maîtresse, — qui était le sang-froid, — s’y était révélée. La diplomatie qui lui avait valu, avec l’alliance des Rémois, un pied sur le plateau, l’intelligence stratégique dont il avait fait preuve en faisant tourner par les troupes alliées