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une clef du massif[1]. Les Rémois la livrèrent à César en se livrant eux-mêmes. Mais les Belges sentant d’instinct que, tenant le massif, ils barraient la route au Romain, se jetèrent sur Bibrax où commandait Iccius, Rémois romanisé. Ils établirent leur armée autour de la forteresse, annulant ainsi en partie l’avantage que César croyait avoir acquis.

Celui-ci continuait à réfléchir, tout en agissant. Il s’était, de la Franche-Comté actuelle, avancé sur la Champagne. De la Marne, il gagna la rivière Axona, l’Aisne actuelle. Attaquer le massif lui paraissait sans doute folie : même Bibrax tenant, il fallait maintenant, pour délivrer la ville, escalader les pentes sous les flèches, les balles des frondes et les pierres des balistes. Son plan parait avoir été, tout en tâtant le flanc Est, de faire tourner le massif à l’Ouest par l’Aisne inférieure et l’Oise, alors Isara. Il savait que les Bellovaques, gens de ce pays, fournissaient, pour l’heure, la plus grosse partie de l’armée belge qui occupait la région de l’Aisne. Tandis qu’il fixerait les Barbares à l’est du massif, les attirerait peut-être en plaine et les déconfirait, il jetterait un corps allié à l’Ouest, qui, marchant sur Braduspantium (probablement Breteuil, dans l’Oise), déborderait le massif, par un large mouvement tournuant. « Cela était possible, écrit-il, une fois que les Eduens auraient fait pénétrer leurs troupes sur le territoire des Bellovaques[2]. » Négligeant d’attaquer le front Sud des plateaux tenu par les gens du Soissonnais, qu’il ne comptait réduire qu’après la chute du massif, il donna à Diviciac et à son armée éduenne mission de marcher sur le Beauvaisis actuel en suivant probablement la rive gauche de l’Aisne et, après Compiègne, la rive droite de l’Oise. — Diviciac recevait donc de César à peu près la mission que, vingt siècles après, le général en chef Joffre devait confier au général Maunoury, tandis que lui, César, fixerait les Barbares dans la région où, en 1914, le même général en chef Joffre attribuerait un rôle analogue à l’armée du général Franchet d’Esperey. Tant la géographie impose les mêmes gestes !

Le proconsul passa délibérément l’Aisne à Berry-au-Bac, — où Napoléon la franchira lui-même, — avec ses huit légions et ses troupes africaines. Il y organisa une forte tête de pont, un

  1. Cf. pour toute cette géographie, Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, t. II.
  2. Id fieri posse si suas copias Haedui in fines Bellovacorum introducerent.