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gros ; les soldats d’octobre 1917 ont été arrêtés par ordre devant ce ruisseau fangeux, constituant la limite des deux armées.

Bornant au Nord la première partie du plateau, l’Ailette donne à cette partie une personnalité : le mur entre Aisne et Ailette est le premier rempart de Laon, mais c’est le plus haut. Qui le tient menace ou Laon ou Soissons, suivant le cas, du haut du Chemin des Dames.

Ce Chemin des Dames, — et c’est par-là que je finirai, — est le chemin de ronde du rempart. Sa possession est capitale pour qui veut aborder Laon de front.

Il commence devant la ferme d’Hurtebise où, courant vers l’Ouest, il constitue une des branches de l’étoile que forment les chemins allant vers Craonne, vers Oulches, vers Vassogne, vers la Bove. Laissant à sa gauche, au Sud, le village Vauclerc, la vallée Foulon, et la plus grande partie du plateau de Paissy, à sa droite le village d’Aillés, il chemine entre Troyon et Cerny, entre la ferme Malval et la Creutte, franchit entre Filain au Nord et Ostel au Sud l’épine de Chevregny, longe la ferme de la Royère, le pied du fort de Malmaison et la ferme du même nom pour rejoindre, entre la ferme de Vaurains et l’Ange Gardien, la route de Paris à Maubeuge par Soissons.

Pour tout le monde, ce Chemin des Dames fut, geste de courtisanerie ou galanterie, tracé et bâti en 1770 par le comte de Narbonne pour que vinssent le visiter plus commodément en leurs carrosses, à son château de la Hove, les filles de Louis XV, les Dames de France. Henry Houssaye a adopté cette version et elle permettrait des rapprochements piquants, pittoresques ou pathétiques ; car une route jetée sur ces plateaux par un galant courtisan comme un tapis sous les pieds de princesses royales serait devenue le plus sanglant des champs de bataille. Il était déjà curieux que les grognards de l’Empereur l’eussent, moins d’un demi-siècle après sa naissance, annexé à l’histoire ; il était plus curieux encore que, après le Royal North Lancashire de Sir Douglas Haig, après les zouaves et les biffins de Maud’huy en 1914, les Marocains à djellabah brune du général Pellé l’eussent, en 1917, les premiers abordé et y eussent à genoux, disent les témoins, chanté en l’honneur de leur victoire un hymne à Allah, — toutes choses qui eussent étonné le comte Louis de Narbonne.

En réalité les Dames de France semblent n’être pour rien