Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/605

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1814, celle enfin que, depuis le soir de la Marne, — car les deux batailles se soudent, — les armées Maunoury, French et d’Esperey, sous le haut magistère du général en chef Joffre, livrèrent en cette région fatidique.


I. — LA RÉGION DE L’AISNE

« La rivière de l’Aisne, disait M. G. Hanotaux au cours d’une conférence évocatrice sur les Falaises de l’Aisne, est l’articulation qui rattache les provinces orientales aux provinces septentrionales. »

Ce seul mot suffit à faire prévoir, à expliquer, à résumer le rôle que doit jouer dans une campagne menée de la mer du Nord aux Vosges la contrée qu’arrose cette rivière, — la plus historique de France, si j’ose dire.

On est à peu près d’accord pour dénommer région de l’Aisne la large province que l’on peut inscrire entre Compiègne, la Fère et même Saint-Quentin, Laon, Rethel, le camp de Châlons, Fismes et Villers-Cotterets : région qui, aussi boisée qu’accidentée, constitue, au Nord-Est de Paris, contre une invasion venant de la Haute-Meuse, la principale couverture de la grande ville.

Mais, en fait, l’Aisne, lien de ces cantons, vient de bien plus loin ; issue près de Vaubecourt, en Barrois, de très médiocres hauteurs, ayant traversé Sainte-Menehould et Vienne-le-Château sur le versant occidental de l’Argonne, elle a, après les eaux du versant occidental de l’Argonne, reçu, par la trouée de Grandpré, l’Aire, autre rivière meusienne, et ce sont leurs eaux réunies qui roulent vers le massif ardennais, contre lequel, après avoir arrosé Vouziers, l’Aisne se heurte et se casse. Retenons déjà que notre rivière relie ainsi à l’Ile-de-France ce coin du gigantesque champ de bataille qu’est le Verdunois.

Le coude fait à Attigny rejette la rivière sur Rethel et Château-Porcien où, contrariée de nouveau, elle s’infléchit vers le Sud-Ouest. Laissant alors à sa droite notre camp de Sissonne et à sa gauche la plaine de Reims, elle court entre de médiocres hauteurs, vers Berry-au-Bac et Pontavert, où elle s’engage dans un couloir, large en moyenne d’un kilomètre, entre les plateaux désormais célèbres où nous verrons s’affronter les armées.