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« Mon cher Buloz,

« Ne vous ayant pas trouvé ces dernières fois quand j’ai passé à la Revue, et n’ayant pas eu le temps hier d’y retourner, je tiens avant de partir à régler un ou deux points avec vous.

« Vous me demandez l’article La Fayette pour le 15. Je n’aurais guère le temps, même en m’y mettant tout entier. Mais quand je le pourrais, j’en serais empêché par un motif de convenance. Il ne me paraît pas très convenable pour moi, en effet, de rentrer dans la Revue immédiatement après l’article de Planche sur moi.

« Cet article, dont je n’ai nullement à discuter et contester le fond, est, dans les trois dernières pages, d’un ton qui m’a choqué, et a dû choquer. Entre gens qui de part et d’autre savent (j’ose le dire) au moins également la langue, il est incongru de venir se régenter à ce point, et sur ce ton, en reprenant les éléments de la syntaxe avec une complaisance souverainement pédantesque. On est tout à fait dans son droit de critiquer en le prenant sur ce ton ; mais de l’autre côté, on est tout à fait dans son droit, aussi, en trouvant que cela est d’un homme malappris, sans bon goût, et tout à fait malotru (sauf ses autres qualités).

« On peut s’entendre régenter ainsi en face, mais non pas à côté, dans ses propres rangs, et par-dessus l’épaule. Planche, qui a de mauvaises habitudes, jointes à de hautes qualités, objectera en vain, et vous m’objecterez vous-même inutilement, qu’il ne fait autrement avec personne. Je n’ai pas habitude de me régler sur les autres en ce qui touche ma convenance personnelle ; Planche m’a dit des choses peut-être vraies, sur un ton que je trouve incongru, et j’en suis quitte pour lui tourner le dos : la Revue a participé quelque peu à cette incongruité envers moi, et je suis obligé de mettre quelqu’intervalle, et quelque quarantaine, avant de lier de nouveaux rapports avec elle.

« Cela au reste est moins fâcheux, mon cher Buloz, à un moment où je vais être, bon gré mal gré, dans l’impossibilité de vous servir… »

Il achève d’ailleurs sa lettre par ces mots : « tout à vous quand même. »

Cependant, en décembre, Sainte-Beuve écrivait à Marmier :

« Je me suis réconcilié avec la Revue, après l’avoir boudée un