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est un problème, non seulement, militaire, politique, économique, mais proprement et réellement physiologique, qui résume et absorbe toute autre question. Que le ministère cisleithan se maintienne ou se démette, que son président, le chevalier de Seidler, reste ou s’en aille, qu’importe? S’il reste, qu’importe qu’il gouverne avec le Parlement, qui se réunirait bientôt pour un simulacre de session, ou sans le Parlement, en vertu du paragraphe 14 de la loi constitutionnelle? Et, s’il s’en va, qu’importe qu’il soit remplacé par le comte Silva Tarouca, Tchèque repenti, ou par M. de Banhans, fonctionnaire incolore? Qu’il trouve ou qu’il ne trouve pas, et, s’il n’en trouve pas, qu’un autre cherche une majorité précaire, en amadouant, alléchant et dupant le Club polonais, il importe peu. Il ne s’agit ni de garder un ministère, ni de former une majorité; il s’agit de vivre. De vivre, dans l’acception la plus stricte, la plus rigoureuse, dans la limite minima, qui est de ne point mourir. Or, à cette heure, en Autriche-Hongrie, politiquement, économiquement, socialement, qu’on regarde l’État, les races ou les classes, en dépit de complicités qui se perdront sans sauver rien, toutes les forces de dissociation sont à l’œuvre. Il n’y aurait de force de reconstitution que la victoire. Mais un Empire ne se dérobe pas aux fatalités de son histoire, et la victoire n’a jamais été autrichienne.

Sera-t-elle, peut-elle être allemande? C’est sur quoi toute l’Allemagne discute, à la suite de l’exposé que le secrétaire d’État aux Affaires extérieures, M. de Kühlmann, a fait devant la Commission plénière du Reichstag, le 24 juin, le jour même où M. Lloyd George parlait à la Chambre des Communes. Cet « exposé, » pour une fois, n’a pas volé son titre. M. de Kühlmann a développé les vues de la Wilhelmstrasse sur presque toutes les questions d’ordre territorial présentement posées, et quelques-unes de celles qui se poseront, en n’exceptant que les plus délicates, ou en se bornant à les effleurer aussi légèrement que peut le faire une main allemande, et en commençant par le traité de Bucarest, puisque, aussi bien, c’est ce traité qui était en discussion. Le secrétaire d’État a ainsi successivement abordé la question turco-bulgare, la paix roumaine du point de vue des Empires, les relations avec et entre les alliés d’Orient, la révolution russe et ce qui en est sorti, la séparation de la Finlande, la création des États baltiques; puis la question polonaise, les questions caucasiennes et transcaucasiennes, Géorgie, Arménie, État tartare du Caucase oriental, puis de nouveau les questions baltiques : c’est le gros morceau, et il ne fallait pas oublier la mer. Ensuite M. de