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même coup. Le perfectionnement des aciers à canon auxquels l’incorporation de petites quantités de nickel ou de chrome et des opérations spéciales de trempage ont abouti, dans les vingt dernières années, à donner des qualités nouvelles, a permis d’accroitre peu à peu les pressions maxima auxquelles on peut soumettre sans danger les bouches à feu. Aujourd’hui ces pressions dans l’âme dépassent parfois 3 000 kilogs par centimètre carré. On imagine quelles qualités particulières d’élasticité doit posséder l’acier des canons pour résister sans déformations permanentes à de pareils efforts. Car ce qui importe à cet égard, c’est qu’après le départ du coup, le tube soumis à cette pression énorme reprenne exactement sa forme et ses dimensions primitives. A côté de ces qualités d’élasticité, le métal doit avoir une qualité en quelque sorte contradictoire avec elles, une dureté qui permette à la surface de l’âme de résister longtemps aux érosions chimiques, aux morsures, que les gaz de la poudre à très haute température produisent peu à peu sur elle.

Quoi qu’il en soit de tout cela, un acier à canon étant donné, doué de qualités bien définies, les pressions de tir que peut supporter sans dommage une bouche à feu faite de cet acier ne sont pas déterminées pour cela ; elles dépendent beaucoup du mode d’utilisation de cet acier, du mode de construction du canon. C’est ce côté, fondamental que je voudrais examiner maintenant.

Je voudrais le faire, balistiquement parlant,


… Avec la netteté
D’un soldat qui sait mal farder la vérité.


Mais, il me faudrait pour cela le secours austère de quelques équations, de quelques formules mathématiques. On me pardonnera, — et peut-être on me saura gré, — de renoncer pourtant ici à cet appareil ésotérique, et de n’exposer ces choses, autant que faire se peut, que dans le simple langage de tout le monde, dussent la précision et la rigueur de l’exposé en souffrir un peu. Mais, la précision et la rigueur scientifiques ont pris l’habitude d’être parfois égratignées depuis que, descendant de leur tour d’ivoire, les Fontenelle, les d’Alembert, les Arago nous ont enseigné qu’il n’est arcanes dans la science où le net langage français ne sache porter à l’occasion un clair rayon de lumière… peut-être un peu trop monochromatique.

Un canon dans lequel brûle une charge de poudre chassant vers la gueule un projectile est soumis aux efforts suivants :

1° Un effort transversal, perpendiculaire à la paroi cylindrique et