Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grandes et inévitables disparités entre ces contribuables, exceptionnels comme leurs bénéfices : des entreprises nouvelles, a capital modique, vouées exclusivement à la fabrication des obus, des avions ou autres fournitures de guerre, ont été admises à amortir dès la première année ce matériel qui sera sans valeur à la paix ; d’autres ont eu le droit d’amortir un tiers par an, d’autres moins encore.

Certaines usines du Centre avaient, en pays envahis, des filiales ou des associées que l’ennemi a dévalisées ou démolies ; elles ont, de ce chef, éprouvé des pertes qui balancent ou atténuent dans leurs écritures les profits, réalisés ailleurs. Dans ces écritures mêmes, le chiffre des débours effectués hier ou l’estimation d’inventaire d’aujourd’hui est souvent très au-dessus de la valeur réelle de demain.

Le fait est surtout remarquable pour l’armateur, dont la richesse nominale s’accroit à mesure qu’il s’appauvrit effectivement ; je veux dire qu’il gagne d’autant plus d’argent qu’il a moins de navires : l’affrètement « au temps, » c’est-à-dire par tonneau de jauge et par jour, est monté de 31 centimes, au i" octobre 1914, à 1 fr. 22 en 1915, à 2 fr. 94 en 1916 et à 4 fr. 08 au 31 décembre 1917. Seulement, un tiers de la flotte française étant coulé et la moitié du tonnage depuis longtemps réquisitionné par l’État, à combien de navires ces prix s’appliqueraient-ils au 1er janvier 1918 ?

L’Angleterre, sur ses 21 millions de tonnes de marine marchande, on a perdu dans la même proportion quelque 7 millions. Ses constructions neuves, de 2 millions de tonnes par an avant la guerre, lorsqu’elle vendait des navires à l’étranger, tombaient à 600 000 en 1915. Sous une impulsion vigoureuse, les chantiers anglais, en 1917, ont fourni 1 500 000 tonnes ; mais à leurs nationaux seulement, car la vente au dehors est interdite. Lorsqu’il existait encore un marché libre et mondial des navires, l’une des dernières transactions porta sur un vapeur japonais de 6 300 tonnes, le Kuhorime-Maru, vendu 762 500 francs en mars 1913 et huit millions et demi en mai 1917. Le Japon d’ailleurs est, sur ce chapitre comme sur beaucoup d’autres, un « nouveau riche ; » depuis la guerre, sa capacité de constructions navales a vingtuplê.

Chez nous, où la flotte haussait de valeur et se réduisait en nombre, l’augmentation est nominale et la diminution est