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Mlle de Rambouillet, que le jeune prêtre avait avertie, manœuvrait gaiement têtes et jambes de possédées. Voiture, au parloir des Ursulines, recevait une fille absurde et maligne, qui d’abord l’effraya par son élan ; mais il lui déclara que, si son diable avait l’intention de faire des sottises, lui s’en allait : et la fille, flattée de causer avec M. Voiture, devint sage. Quant à M. de La Vergne, il suit cette compagnie un peu amusée, un peu effarée, un peu dégoûtée. Il est doux et discret, ne parle guère. Le jeune prêtre, moins réservé, le prend à témoin de ses trouvailles et l’appelle « un gentilhomme dont la foi ne sera suspecte à quiconque le connaîtra. » Il est de ceux qui se révèlent à leur silence et à leur tranquillité réfléchie, comme d’autres à leurs gestes et à leur discours.

Plus tard, M. de La Vergne eut le titre de lieutenant au gouvernement du Havre. Richelieu avait donné ce gouvernement à son neveu le duc de Richelieu, sous la tutelle de Mme d’Aiguillon tant que le duc de Richelieu serait mineur. Après la mort de Richelieu, Mazarin fit délivrer à la duchesse d’Aiguillon brevet du roi qui lui octroyait le gouvernement du Havre au nom de son neveu : et c’est alors qu’elle en confia la lieutenance à M. de La Vergue, lequel obtint également le grade de maréchal des camps et armées de Sa Majesté. Je ne sais pas combien de temps il résida au Havre, et si même il y résida d’une manière continue, et s’il y établit sa famille, et si Marie-Madeleine de La Vergne y demeura.

Mais il mourut bientôt et fut inhumé le 20 décembre 1640. Marie-Madeleine avait quinze ans et demi. Malgré le soin qu’il faut avoir de ne pas inventer ce qu’on ignore, — ou bien tout le charme d’une histoire vraie est perdu ; comme la beauté d’une ancienne architecture est gâtée, si l’on mêle aux pierres d’autrefois des pierres neuves, — cependant il est difficile de ne pas imaginer entre la petite fille et son père, la mère étant d’une tout autre nature, une entente peut-être à peine avouée, mais intime. On aperçoit des analogies de lui à elle. Il aimait les livres, l’étude, et ne redoutait pas l’activité. Il avait, dans le caractère et dans l’esprit, quelque chose de retiré, de secret ; et il réunissait au goût d’une certaine solitude, mais ornée, une adresse à vivre et qu’elle eut pareillement.

D’ailleurs, c’est tout ce que j’ai recueilli Sur l’enfance de Marie-Madeleine de La Vergne. On voit assez bien son milieu,