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couperosé. Comment ne l’eût-elle point haï ? Car il n’était pas M. de Béthune. Mais la volonté du cardinal ne tolérait pas l’indécision, M. de Combalet, tout laid qu’il fût, ne manqua ni de grâce ni d’habileté : il sut, par un déférent amour et discret, forcer la patience et l’estime de la jeune femme à qui on l’avait infligé. Il eut, en outre, l’art ou le hasard de n’être pas importun. Comme il était colonel du régiment de Normandie, six mois après son mariage, il suivit le cardinal à la guerre, et la seconde année de son mariage n’était point achevée qu’il fut tué, le 3 septembre 1622, au siège de Montpellier. La petite veuve se retira aux Carmélites. Mais Richelieu la fit retourner au monde et vivre à la cour, dame d’atours de Marie de Médicis. Alors se présenta de nouveau M. de Béthune, qui l’aimait encore et la priait de l’épouser. Mais elle ne rêvait qu’aux tranquillités de la vie religieuse ; et l’on ne sait pas ce que pesa, dans sa résolution d’éconduire M. de Béthune, le souvenir de M. de Combalet : on est tenté de voir un peu cette aventure analogue à celle de Mme de Clèves qui éconduit, dans le roman, M. de Nemours, après la mort de M. de Clèves. Pour garder à la cour Mme de Combalet, la reine et le ministre eurent à lutter et durent même invoquer l’autorité de la cour romaine. Ensuite, Mme de Combalet subit les péripéties de Richelieu, fut chassée de la cour et y revint. Il semble qu’elle ait eu longtemps de l’aversion pour les fêtes et les honneurs et qu’elle en ait enfin pris son parti et pris le pli, jusqu’à devenir assez remuante et intrigante. Les bontés du cardinal lui furent d’abord fastidieuses et, à la longue, précieuses. Il courut des libelles où elle est présentée comme l’une des maîtresses de son oncle. Mais il ne faut croire les libelles que dans la mesure où il est prudent de mitiger l’enthousiasme des panégyriques.

Le parrain de Mlle de La Vergue fut un grand personnage, beau-frère de Richelieu, qui le combla de faveurs. Mais le maréchal de Brézé conservait, malgré la gratitude, le souci de sa fierté. Il se brouilla plus tard avec le tout-puissant ministre et lui renvoya ce qu’il tenait de lui, du moins ce qui pouvait être ainsi renvoyé, comme les provisions du gouvernement de Calais : quant au cordon bleu et à la qualité de maréchal de France, c’était à lui, et le cardinal avait seulement devancé l’époque où la naissance et les services lui auraient sans doute valu ces récompenses. La belle maison qu’il habitait dans la