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témoins, parce qu’ils ne devinent pas, sont inattentifs. Ils n’ont rien vu et ne disent rien. Puis, au XVIIe siècle, si Descartes formule la théorie des idées claires, il ne l’invente pas : cette époque, à la différence du moyen âge, néglige ce qu’on appellera les petites perceptions ou la subconscience, enfin le travail obscur de l’âme qui est toute la vie mentale des enfants. Le devanteau, ou le tablier, que cette petite enfant ramène dessus sa tête, afin de jouer à faire le loup, c’est tout ce qu’ont laissé de souvenir les puériles années de Marie-Madeleine de la Vergne. Et il ne faut point abuser d’une si frêle indication, la mener loin, conclure de la que cette Ménie donnait déjà la comédie, créait fictions et personnages, préludait à son talent. J’ai cité M. Le Pailleur avec un peu de complaisance, parce qu’il nous conduira dans le milieu ou Mlle de la Vergne eut son enfance.

Elle était née à Paris et fut baptisée dans la paroisse Saint-Sulpice le dix-huitième jour du mois de mars 1634. Sur l’acte de son baptême, elle est dite « Marie-Magdeleine, fille de Marc Pioche, écuyer, sieur de La Vergne, et de damoiselle Elisabeth Pena, sa femme. » Elle a pour parrain « messire Urbain de Maillé, marquis de Brézé, chevalier des ordres du roi, conseiller en son conseil, maréchal de France et gouverneur des villes, châteaux et citadelles de Saumur, Calais, etc. » et pour marraine « dame Marie Magdeleine de Vignerot, dame de Combalet. »

Cette dame de Combalet, et qui sera duchesse d’Aiguillon, c’est la nièce de Richelieu. Elle a trente ans alors, et sa destinée se fixe à peine, après de romanesques tribulations. Quand elle avait quinze ans et qu’elle était Mlle de Pontcourlay, un joli garçon de dix-sept ans, Hippolyte de Béthune, comte de Selles, neveu de Sully et gentilhomme de la chambre de Gaston d’Orléans, s’éprit pour elle d’une passion si ardente que même un voyage en Italie ne l’en put distraire. Mlle de Pontcourlay répondit à cet amour, et l’on vint aux fiançailles. Puis les intrigues de la cour amenèrent une querelle fameuse entre le cardinal de Richelieu et le duc de Luynes. Ce dernier, pour l’accommodement, offrit une alliance de famille : son neveu, le marquis de Combalet, épouserait la nièce du cardinal. M118 de Pontcourlay dut renoncer à son choix. Elle épousa M. de Combalet, sur la fin de novembre, en 1620. M. de Combalet, comment l’eût-elle aimé ? Car il était mal bâti et le teint