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déconfiture et en y amenant d’abord de très petites forces, la bataille qui se déchaînait, il serait pendant les premiers jours contraint décéder du terrain. Mais, sauf la perte de Montdidier qui n’était point de son fait, — un de ces accidents toujours possibles à la soudure de deux armées, — chacun des reculs, parce qu’ils s’étaient faits en combattant et accomplis à toute extrémité, coûtait trop à l’ennemi pour que celui-ci ne s’en trouvât point entravé. Et ne s’agissait-il point de gagner du temps ? Pour donner l’exemple du sang-froid et de la vaillance, le général n’avait pas cru devoir faire quitter à son état-major Maignelay jusqu’où soufflait cependant le vent de l’ennemi en marche et dont, en la nuit du 27 au 28, quelques soldats seulement interdisaient l’accès aux ennemis. Ainsi le général Humbert était-il demeuré à Montdidier jusqu’au 26 à midi et ainsi avait été, le 25, quelques heures avant l’abandon de la ville, maintenu à Noyon le quartier général du général Pellé. En cette bataille où « tenir » était le mot d’ordre, il fallait que les plus hauts chefs n’abandonnassent eux-mêmes leur poste de commandement qu’à toute extrémité. Ce ne fut qu’à six heures trente, le 28, que le général Debeney, partant fort tranquillement de Maignelay, installait à Breteuil son quartier général.


XIX. — LE TORRENT ALLEMAND DANS LA POCHE

Le choix de Breteuil, — au Nord-Ouest, — se justifiait d’autant plus que, le trou semblant momentanément bouché au Sud, on pouvait prévoir que la ruée allemande se pourrait bien orienter sur le front Mesnil-Saint-Georges-Moreuil. La 1re armée devait être appelée à supporter le choc sur sa ligne des Trois Doms et de l’Avre inférieure. Et ce choc promettait d’être terrible.

Les Allemands, lâchés comme un torrent dans la poche énorme qu’ils avaient, du 21 au 28, creusée entre l’Ancre au Nord et l’Oise au Sud, y déferlaient en masse de divisions ; sans doute obéissaient-ils à un plan général, mais, ayant senti craquer le front anglais, ils se ruaient là contre à peu près dans toutes les directions, au Sud où, le 27 encore, ils espéraient, nous le savons, renverser la barrière que leur opposait Humbert, au Sud-Est où la prise de Montdidier surexcitait leurs espoirs, sur le Santerre, où les Anglais cédaient, et