Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Plus au Nord, les affaires n’allaient guère mieux : le général de Mitry avait pensé reprendre Erches, mais une violente attaque allemande débouchant d’Armancourt l’avait retenu ; sur son flanc droit, l’abandon de Montdidier, où l’ennemi entrait à 18 à 30, par la 22e division, et, sur son flanc gauche, le recul des forces britanniques au Nord d’Hangest, lui faisaient déjà de la défense de l’Avre une grosse affaire. L’ennemi gagnait rapidement, si rapidement que le commandant de Banville, de l’état-major Debeney, envoyé en reconnaissance entre Davénescourt et Saulchoy, tombait dans un parti allemand, et/abattu à bout portant, restait entre ses mains…

La journée avait été terrible ; si malheureusement qu’elle se terminât, elle n’avait pas été sans gloire, il s’en fallait. La 56e division et la 5e de cavalerie avaient défendu pied à pied chacun des villages, chacun des bosquets cédés. Derrière l’infanterie, l’artillerie n’avait reculé, pendant ces seize heures de rudes combats, qu’en remettant sans cesse ses canons en batterie ; certains groupes avaient pu le faire jusqu’à six fois et, le soir, elle avait passé tout entière à l’Ouest de Montdidier, sans avoir laissé un canon à l’ennemi. L’Allemand avait dû payer de cruelles perles des progrès qui, si inquiétants qu’ils fussent pour nous, étaient infiniment plus lents que ceux des jours précédents. Comme sur le front Humbert, — du 23 au 25, — l’action se trouvait, le 27, retardée : l’ennemi s’essoufflait maintenant et, pendant ce temps, les trains, les camions, les autocanons roulaient vers les derrières de l’armée ; la vallée de la Noyé se remplissait de troupes (celles du 36e corps), sous la protection des éléments regroupés de la 56e division et de la 5e de cavalerie. Un ordre énergique du général Debeney prescrivait de tenir à tout prix, le lendemain, à l’Ouest immédiat de Montdidier, derrière la riviérette des Trois Doms, la liaison rétablie avec l’aile gauche d’Humbert à Domfront. Par ailleurs, le tragique appel du général Debeney avait été entendu du groupe d’armées : deux divisions de la 3e armée étaient, nous l’avons vu, poussées dans le trou fait au Sud-Ouest de Montdidier et il semblait que, dans la nuit du 27 au 28, on pût, en dépit des pertes de la journée, envisager avec plus de confiance les heures qui allaient suivre. Du moins semblait-il que ce fût l’avis du général commandant l’armée.

Celui-ci avait bien prévu que, saisissant, en pleine