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l’ennemi qui ne lui laisse aucun répit. Mais la vaillante attitude des cuirassiers du 98 a retardé la marche des Allemands ; sous les assauts d’un ennemi très supérieur et en face de mitrailleuses crachant la mort, les cavaliers à pied ont fait front : ce n’est que lorsque, les munitions ont manqué qu’ils se sont repliés. Nous voici donc, de ce côté, au pied du massif d’entre Chauny et Guiscard : Brécard donne l’ordre de se cramponner coûte que coûte à la nouvelle ligne Pommeroye, — croupe de Caillouel-Crépigny. Naturellement les divisions de gauche ont dû suivre le mouvement. La 9e s’est héroïquement opposée jusqu’à midi aux progrès de l’ennemi, jetant son 82e d’infanterie à l’attaque, reprenant du terrain, n’en perdant que sous d’irrésistibles pressions. L’ennemi pousse, bourre ; nos unités semblent à certain moment submergées ; plusieurs d’entre elles, encerclées, se font jour à coups de baïonnettes. Et c’est dans un enfer de feu que Gamelin établit sa nouvelle ligne sur le front Beaugies-Le Buchoire-Guiscard. A sa gauche, la 10e a fait appel à lui : débordée à son tour, elle s’est repliée au Sud de Guiscard. On a donc reculé sur toute la ligne, mais les chefs espèrent, car le moral reste étonnant : il y a entre les corps émulation de courage ; pour ne citer qu’un trait, le 1er groupe du 41e d’artillerie, placé au Nord de Guiscard, menacé d’être tourné, a sorti ses pièces de positions et, plutôt que de les abandonner, les a traînées à bras sur une distance de 6 kilomètres, traversant Guiscard sous le bombardement et le feu des mitrailleuses ennemies.

A la gauche d’Humbert, la situation est devenue tout d’un coup plus tragique encore. Le 5e corps britannique a cédé, au Nord, sur la ligne de la Somme que l’ennemi a passée à Béthencourt, Pargny et Epenancourt : la 8e division britannique contient derrière ces villages l’ennemi qui se rue, mais on la sent fléchir sous la pression.

Humbert jette Robillot au-devant du flot. Il a les 22e et 62e divisions d’infanterie, et la 1re division de cavalerie ; destinées à « relever » les unités anglaises entre la route de Freniches à Esmery-Hallon et la ligne Moyencourt-Buverchy, il leur faut en recueillir les débris. Il leur faut surtout boucher un trou : car, sous la poussée allemande venant de Béthencourt, une voie s’est produite dans les lignes anglaises entre Potte et Mesnil Saint-Nicaise, au Nord de Nesle. Sur l’ordre d’Humbert,