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était disposé à les faire très larges pour qu’elles eussent tout leur effet. Après entente avec le maréchal Haig, il donnait en attendant mieux, le 21, à onze heures du soir, l’ordre d’avancer dans la région de Noyon-Saint-Simon aux trois divisions : 9e, 10e et 1re de cavalerie à pied qui, sous les ordres du général Pellé, se trouvaient, nous le savons, dans la région Sud de Compiègne. La 125e division, de la 6e armée, placée à cheval sur l’Oise, était alertée, passant sous les ordres du général Pellé, et la 1re division de cavalerie était avisée qu’elle se devait tenir prête à renforcer éventuellement le 5e corps britannique. Par ailleurs, le général Humbert recevait le laconique avis : « Réaliser hypothèse A. » C’était l’intervention sur le front britannique, prévu par les accords pour une date simplement plus lointaine. Dès le 22 au matin, les troupes françaises couraient à la bataille.


VII. — LE GÉNÉRAL PELLÉ DEVANT LE FLOT

Le général Pellé, commandant le 5e corps, est une des personnalités les plus intéressantes de l’armée : les apparences d’un diplomate, l’âme d’un chef, un sang-froid souriant, — le meilleur parce qu’il se communique, — peu d’étonnement devant les cas les plus singuliers, et, avec du doigté, une poigne : il allait, en ces premières heures, jouer le rôle capital en cette bataille « mal partie, » et l’ancien attaché militaire à Berlin, sans rien perdre de son calme un peu ironique, allait fermer d’une main nerveuse aux Allemands la route de Paris.

Tout d’abord, il ne devait être qu’un auxiliaire : sa mission serait de « soutenir » la droite de l’armée Gough et d’ « aider » nos alliés à maintenir l’intégrité de la ligne du canal Crozat, — subsidiairement de couvrir la région de Noyon. Mais lorsque, le 22, il accourait de Jouarre à Noyon, il trouvait la situation si empirée qu’elle exigeait de bien autres mesures. Le 3e corps britannique, retiré derrière le canal, se préparait à se replier ; ne sentant plus le contact à sa gauche avec le reste de l’armée Gough, il flottait un peu. Mais dans cette journée. Pellé ne lui pouvait guère donner que l’appui de ses conseils. Car, si les camions amenaient et déversaient dans la région de Noyon la 1re division de cavalerie à pied (général Brécard), les 9e (général Gamelin) et 10e divisions (général Valdant), durant