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Saint-Quentin, occupait, le 21 mars au matin, l’armée allemande, — s’ouvre une large trouée, barrée par le seul canal Crozat qui, de Saint-Simon sur la Somme canalisée, se dirige vers Fargniers où il rejoint le canal latéral de l’Oise : cette « bretelle, » tendue entre les deux vallées, paraissait constituer cependant une défense sérieuse en cas de repli. La Somme, après Saint-Simon et Ham, file soudain vers le Nord jusqu’à Péronne : par-là, elle découvre une poche énorme, qui jusqu’à la vallée de l’Avre, à l’Ouest, est une vaste arène ouverte à l’invasion : Roye, Chaulnes, Rosières-en-Santerre sont des cités en pays presque plat. La Somme, coulant de Péronne à Amiens, borne à peine au Nord cette arène, tant sont basses ses collines. Mais près d’Amiens elle reçoit l’Avre qui, en revanche, peut constituer, au Sud d’Amiens, une ligne de défense : c’est l’Avre qui, tenue par les troupes de Debeney, arrêtera de ce côté l’invasion.

Celle-ci est tentante en ce vaste champ. Sans doute le rebord méridional du plateau, — petits massifs de la rive droite de l’Oise, — peut-il contenir, bien défendu, le flot qui vient le battre ; sans doute bien défendue aussi, la ligne du canal Crozat est-elle susceptible d’arrêter quelque temps la marche des divisions ; sans doute la Somme offre-t-elle de Ham à Péronne un obstacle assez large, mais le canal et la Somme sont-ils franchis, l’invasion peut s’épanouir à l’aise, et le pis est que, d’une part, s’il s’agit du Sud, le fond de la poche a une fuite, entre Lassigny et Montdidier, que, d’autre part, s’il s’agit du Nord, la Somme conduit à Amiens, — bien loin d’en interdire l’accès.

C’est le champ de bataille que l’état-major allemand avait choisi.


IV. — LA TACTIQUE DE VON HUTIER

La partie du front allemand qui présentement nous intéresse, courait, à la veille de la bataille, du Nord au Sud, sur une ligne presque droite entre la Scarpe qu’il coupait, à l’Est d’Arras, entre Rœux et Pelves, et l’Oise qu’il suivait de Moy à la Fère ; ce front était desservi au Nord par le nœud de routes et de chemin de fer qu’est Cambrai, au Sud par le centre de Laon. Deux armées le tenaient, le 20 au soir : la IIe armée, commandée par von der Marwitz, au Nord, la XVIIIe, commandée