Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernement révolutionnaire de Pétrograd mettant, à Brest-Lilowsk, le sceau à la trahison, l’écrasement fatal de la Roumanie résultant de l’événement libéraient les divisions longtemps retenues sur le front oriental et, par-là, restituaient, pour un temps, à l’armée allemande, sur le front occidental, la supériorité du nombre que l’accroissement de l’armée britannique depuis 1915 lui avait, peu à peu, fait perdre. Resterait à accumuler assez de matériel, pour que la voie fut, par l’artillerie et les gaz, frayée à l’infanterie si brutalement, que l’adversaire, pris de court, n’eût pas le loisir d’appeler à temps ses réserves, ainsi qu’il était dix fois advenu de part et d’autre lors des offensives de 1915, 1916 et 1917.

La situation très spéciale des armées alliées de France favorisait par surcroît les desseins de l’état-major allemand. On sait que, — sans parler du secteur fort restreint confié aux vaillantes troupes belges, — ce front était tenu par deux armées distinctes. Deux Grands Quartiers Généraux, certes liés par une entente cordiale dans l’Entente cordiale, mais absolument indépendants l’un de l’autre, régissaient les opérations du front occidental. de la mer du Nord à Barisis-aux-Bois, — au pied du massif de Saint-Gobain, — l’armée britannique occupait, depuis quelques mois, une partie importante du front de France, tandis que de cette petite localité à l’Alsace, les Français continuaient à en tenir la plus grande portion, mais le partage de la ligne s’était réglé de telle façon que celle-ci en devenait quelque peu vulnérable : outre que l’unité de commandement, réclamée par de bons esprits, à qui l’événement allait de si éclatante façon donner raison, n’avait pu être finalement établie, l’entente avait abouti moins à un concordat nouveau qu’au maintien d’un statu quo un peu brutal : chaque armée s’en tiendrait si rigoureusement à la zone qu’elle couvrait, que les divisions mises en réserve en vue d’une attaque possible par l’une et l’autre des deux nations ne pouvaient stationner, les françaises dans la zone arrière anglaise, les anglaises dans la zone arrière française. Aucun chef suprême n’ayant, par ailleurs, qualité pour donner d’ordres aux deux états-majors, ceux-ci avaient la libre disposition de leurs réserves, et, encore que l’un et l’autre fussent résolus, le cas échéant, à se secourir, l’ennemi pouvait espérer qu’une telle situation, en cas d’une attaque brutale suivie d’un prompt succès sur l’un ou l’autre