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ses effets dans le calme de la paix reconquise et sachez sacrifier aux nécessités de la lutte à mort que nous soutenons les froissements les plus légitimes de votre fierté flamande.

Que de sacrifices réciproques n’aurons-nous pas à faire, les uns et les autres, et de ménagements mutuels à garder, la Belgique enfin délivrée, pour asseoir l’unité nationale sur des bases indestructibles ! En Flandre, les orateurs des meetings et ceux de la chaire chrétienne parleront-ils encore d’oppression wallonne et de francisation systématique, quand ils verront leur programme loyalement appliqué ? Sauront-ils s’abstenir de maudire ou d’excommunier par habitude les éternels Fransquillons ? Le lion de Flandre rugira-t-il toujours contre nos amis et nos alliés, lorsqu’ils l’auront délivré des chaînes allemandes ? Pratiques oratoires, éloquence d’avant la guerre, il faut avoir le courage d’y renoncer définitivement par amour de la patrie belge reconstituée. Il serait très triste que de vrais patriotes continuassent d’omettre dans leur langage ou leurs écrits les noms de Belge et de Belgique, en n’ayant sur les lèvres ou sous la plume que ceux de Flandre et de Flamand.

Combien regrettable aussi serait la persistance chez les plus exaltés de leur hostilité d’antan contre le parler et l’étude du français ! La Belgique est un État bilingue, ils n’y peuvent rien changer, et la langue maternelle des Flamands, si belle qu’elle soit à leurs yeux, n’est pas une des grandes langues véhiculaires de la pensée humaine. Pour améliorer leur condition sociale et économique, ils ont besoin de participer activement à la vie européenne. Quoi de plus dangereux que de rester cloitré dans sa nationalité et dans sa langue en dehors de l’humanité environnante ! La possession d’un autre moyen d’expression est utile, sinon indispensable, même sans sortir de la Flandre ; et, dans le reste de la Belgique, la langue usuelle, la langue nationale, est le français. Que les Flamands l’étudient donc volontairement avec tout-le soin et le respect qu’elle mérite et qu’ils tâchent de se pénétrer des qualités maîtresses de son génie.

Le conseil que j’ose leur donner, les Wallons ne voudront-ils pas aussi l’écouter, ceux surtout que leurs relations de famille ou leurs intérêts privés appellent constamment dans la région flamande ? Pour s’y trouver en communion de pensées avec leurs frères d’un autre lit, rien ne les servirait mieux que