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vue de la paix. Du mouvement flamand, le comte Herlling ne souffla pas mot, mais il affirma que l’Allemagne n’avait jamais songé à garder la Belgique, ce qui pouvait passer pour une reconnaissance implicite de l’indépendance et de l’indivisibilité du royaume. Les commentaires de ce discours, faits par les orateurs du Reichstag et les grands journaux, furent décevants pour la cause de l’activisme. Plus significative encore, l’allocution dont le gouverneur général von Falkenhausen gratifia le conseil de Flandre, venu pour lui annoncer sa réélection. Il l’engagea à gagner tout d’abord le peuple flamand à ses projets. Autant dire que l’autonomie était loin d’être un fait accompli. Aussi comprend-on le désarroi qui régna quelque temps dans le camp activiste.

Qu’on ne se hâte pas pourtant de voir là un revirement de la politique allemande à l’égard de la Belgique. Le comte Hertling n’a nullement fait amende honorable des fautes de Bethmann-Hollweg. Son discours n’a précédé que de quelques jours l’offensive contre le front des Alliés. Peut-être le bon vieillard voulait-il simplement nous endormir par des paroles pacifiques, à la veille du grand coup de force que l’état-major s’apprêtait à frapper. Mais il a voulu aussi se garder à carreau contre la possibilité d’un échec, laisser une porte entr’ouverte à des pourparlers de paix sur la base indiquée par lui : reconnaissance de l’indépendance belge. Il n’aurait pas l’air ainsi de modifier son attitude sous l’impression de la défaite et par suite de l’avortement d’un immense effort militaire.

En réalité, le gouvernement impérial se moque de ses amis activistes. Ils sont des agents de dissolution, introduits par lui dans notre vie nationale, et aussi de simples marionnettes dont il tient les fils, pour leurrer la crédulité flamande et dissimuler ses véritables projets. Dominé par le parti militaire, le chancelier, — qu’il ait nom Hertling ou Bethmann-Hollweg, — souscrirait sans remords à une annexion réelle ou déguisée : Anvers, la côte flamande, la ligne de la Meuse, avec une mainmise politique et économique sur la Belgique qui, irrémédiablement divisée, serait plus commode à mater. Du développement social de la race flamande, de ses droits linguistiques, il n’a jamais eu cure et surtout il ne songe à lui accorder aucune indépendance. Les Machiavels de Berlin ont dû bien rire entre eux des délégués du Conseil de Flandre, tout fiers et tout