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Cet audacieux abus de pouvoir, dont un ennemi loyal se serait abstenu, eut pour effet moral de montrer aux Allemands l’attachement des Flamands et des Wallons à l’unité nationale. D’une extrémité à l’autre du royaume, à tous les degrés de l’organisation politique et administrative, on rédige des protestations vigoureuses, signées des mandataires de la nation, des provinces et des communes. Dans ce concert d’indignation, le gouvernement du Havre n’est pas resté silencieux ; il s’est chargé d’annoncer aux coupables que l’heure viendrait du châtiment, quand sonnerait pour la Belgique l’heure de la délivrance ; la protection de l’Allemagne ne serait pas pour eux l’impunité.

En attendant, l’autorité ennemie, qui avait supprimé dans tout le pays la liberté de la parole et la liberté de réunion, levait l’interdiction en faveur de ses complices, dissimulés sous le nom d’Activistes. Et les Activistes d’en profiter, de mener une propagande effrénée, de multiplier les meetings, où ils exposaient librement leur programme. L’autorité complaisante leur ouvrit même les camps de prisonniers flamands en Allemagne, pour y semer leur mauvais grain. Ils eurent à compter en Flandre, non seulement avec le loyalisme irréductible de la population, mais aussi avec la haine que l’envahisseur ne se lassait pas d’attiser contre lui-même. En effet, tandis que le gouverneur général octroyait aux Flamands la séparation administrative, comme un présent magnifique du Kaiser, les autorités militaires faisaient peser sur eux un régime de terreur et de déportations. La maladresse de la politique allemande cimentait ainsi elle-même en Belgique l’union nationale.

Cependant les Activistes avaient hâte d’aborder, sous la direction de leur imprésario allemand, le troisième acte du drame antipatriotique qu’ils voulaient représenter en entier sur la scène flamande devant le public européen. Le dénouement n’en pouvait être, — du moins s’en flattaient-ils, — que la séparation complète d’avec la Wallonie, l’indépendance du peuple flamand, délivré de l’oppression welche par la main puissante de l’Allemagne. Le conseil de Flandre, dans une assemblée de quelques centaines de ses affidés, réunie au théâtre de l’Alhambra à Bruxelles (20 janvier 1918), proclama l’autonomie de la Flandre. Puis il se déclara dissous, afin d’offrir au peuple l’occasion d’exprimer son approbation en le