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s’efforçaient à qui mieux mieux, comme s’ils en avaient reçu le mot d’ordre, d’exagérer l’acuité et de grossir les conséquences de la querelle des langues. Ils dépeignaient en traits sinistres l’oppression par la race wallonne de la race flamande, rameau vivant du tronc germanique. Le peuple belge, à les entendre, n’était que l’attelage hétérogène de deux nationalités qui se ruaient l’une contre l’autre, jusqu’au jour où elles se sépareraient violemment. L’invasion accomplie, le général von Bissing, gouverneur général du pays occupé, fut l’auteur responsable de la tentative de destruction, poursuivie contre nos institutions au mépris de l’article 43 de la convention de la Haye. Nous savons de reste, par son testament politique, que l’astucieux gouverneur, professant le même dédain pour les Flamands que pour les Wallons, rêvait d’une Belgique esclave de l’Empire germanique et qu’un despotisme de fer se chargerait de dompter.

Après une préparation de quelques mois, les actes de l’autorité allemande- se sont précipités. Il suffit d’énumérer les principaux dans leur ordre chronologique ; l’on aperçoit aussitôt la manœuvre projetée. Le 5 décembre 1915 parait le décret relatif à la flamandisation de l’université de Gand, mesure d’autant plus suspecte que le gouverneur se gardait bien de prescrire en même temps la réouverture dans l’intérêt des étudiants wallons de l’université de Liège. Ce décret provoqua une protestation éloquente chez les dirigeants des Associations politiques et littéraires, qui sont les véritables interprètes de la pensée flamande. Sans y accorder d’attention, le Chancelier annonça quelques mois plus tard au Reichstag (5 avril 1916) que l’Allemagne n’abandonnerait pas à la latinisation le peuple flamand, si longtemps asservi, qu’elle lui assurerait au contraire un développement sain, fondé sur le langage et le caractère flamands.

Ce discours était une seconde déclaration de guerre à la Belgique, pour la punir de son inflexible résistance. Peut-être ne l’a-t-on pas tout de suite remarqué. Cette fois l’union nationale, l’essence même de notre patrie, était menacée. Le gouverneur général ouvrit les hostilités l’automne suivant, en allant inaugurer en personne la nouvelle université flamande de Gand, vide encore d’élèves. Voilà donc la galère universitaire lancée sur une n : or orageuse, avec un équipage de fortune