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diplomatique, revêtu de sa signature ? Tout est là. Avant 1914 nous avons péché par excès de confiance. Il est à prévoir que le beau billet, que serait pour nous un traité international nous baptisant neutres pour la seconde fois, nous ferait vivre dans l’inquiétude et les alarmes, dès que l’horizon politique viendrait à s’embrumer. La neutralité, garantie officiellement sur le papier, sans qu’un désarmement général ait annoncé des temps nouveaux, ni qu’un miracle inattendu ait transformé la mentalité germanique, ne serait pour beaucoup de Belges que l’absence de sécurité.

Ils savent, d’ailleurs, par une cruelle expérience, que l’idée de neutralité et l’idée de garantie sont choses très différentes et difficiles à accorder. Qui dit garantie dit promesse de secours militaire. Or, il paraît impossible d’organiser ce secours, qui nécessite une préparation et un concert entre le gouvernement du pays menacé et les gouvernements garants, avant l’entrée de l’ennemi sur le territoire neutralisé en cas d’invasion brusquée, à quoi la Belgique sera toujours exposée. On verrait se reproduire quelques-unes des péripéties de la campagne de 1914, le même isolement, le même sacrifice de notre armée. La prestation de la garantie serait moins rapide que l’invasion, partant inefficace. Ne nous laissons plus abuser par des formules théoriques, après avoir subi la dure leçon de la réalité.

A tant de motifs, qui devraient nous faire refuser un présent aussi dangereux que la neutralité si le concert des Puissances s’obstinait à nous l’offrir, j’ajouterai une considération d’un autre ordre, parce qu’elle ne me semble pas sans valeur.

Rétablir le statu quo juridique de 1839 serait ouvrir bénévolement la porte à une perpétuelle intrusion de l’Allemagne dans notre vie intérieure. On devine ce qu’il fournirait de prétextes à la presse d’outre-Rhin et aux agents diplomatiques de l’Empire pour nous chercher chicane. La commémoration patriotique des événements de la guerre, où figureraient nos braves compagnons d’armes de l’ancien et du nouveau monde, leurs drapeaux acclamés dans les rues avec le nôtre, et jusqu’aux sonorités entraînantes de la Marseillaise, toutes ces démonstrations très naturelles donneraient lieu de la part des Allemands à des récriminations insupportables. Quelques plumitifs aux gages du gouvernement impérial n’ont-ils pas essayé de justifier son agression, en représentant d’inoffensives