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la tranquillité européenne par les traités de 1831 et de 1839. La reconnaissance de notre indépendance signifiait le renversement de la barrière, élevée en 1814 contre la France et cimentée l’année suivante par le Congrès de Vienne. Mais, d’autre part, la neutralisation d’une zone, exposée de tout temps aux convoitises rivales de ses voisins, semblait être la paix assurée sur le champ de bataille séculaire, où la France s’était mesurée pour la dernière fois en 1815 avec l’Angleterre et la Prusse. Cette suprême rencontre appartenait désormais à l’histoire et à la poésie ; des luttes du passé, il ne restait de vivant sur notre coin de terre que le souvenir épique de Waterloo.

La Belgique, comme l’a supérieurement démontré notre regretté Waxweiler, n’a jamais cessé d’être « neutre et loyale, » également amicale envers tous ses voisins. Les différents gouvernements qui ont été au pouvoir se sont toujours renfermés, pour la politique extérieure, dans le rôle de stricte neutralité, assigné par les traités de 1839 aux dirigeants de notre pays. Si dures qu’en paraissent certaines clauses au patriotisme belge, ces traités étaient considérés par nos hommes d’État comme des engagements sacrés. M. de Jagow lui-même a confessé la correction parfaite de notre attitude, au cours du dernier entretien que j’eus avec lui le 4 août 1914, lorsqu’il s’épuisait à chercher des excuses à la félonie de son gouvernement à l’égard du mien.

« Vous oubliez, me crieront en chœur les publicistes allemands, la convention Ducarne-Barnardiston. » Cette fausse accusation, noyée sous des flots d’encre, remonte sans cesse à la surface. Il ne faut pas se lasser d’y revenir, puisqu’on ne se lasse pas d’en éclabousser notre bonne foi. Eh bien ! je mets nos ennemis au défi de fournir la preuve d’une convention militaire quelconque, passée par le gouvernement belge avec l’un ou l’autre de ses garants. Ils n’ont entre les mains qu’un schéma, préparé par des officiers agissant en leur nom personnel. Au surplus, le colonel Barnardiston (aujourd’hui général), connaissant la répugnance du cabinet de Londres et de l’opinion publique anglaise pour tout traité qui aurait fait sortir l’Angleterre de son splendide et traditionnel isolement, n’avait pas beaucoup d’illusions sur l’accueil que le gouvernement britannique réserverait à son initiative. Il me l’a fait savoir depuis lors. Quant au général Ducarne, l’écrit qu’il a