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nouveau, mais cette fois « pour lui dire que j’aime mieux retirer ma pièce, et lui dire de rompre l’engagement de Mme Dorval. Ni elle ni moi ne pouvons attendre indéfiniment et moi, je ne peux rester à Paris après le mois de mai. D’ailleurs on sait ce que devient une pièce dans les cartons du Théâtre-Français. On la donne à un auteur aimé de ces messieurs et de ces dames, on change les noms et les costumes, et on la joue au nez de l’auteur. Nous connaissons bien tous l’auteur véritable de Mademoiselle de Belle-Isle, et, quand vous voudrez, je vous montrerai le manuscrit. Ainsi finissons-en donc. Mettons Cosima dans la Revue des Deux Mondes[1]. » L’auteur aussi est pressé par ses perpétuels besoins d’argent : « Si vous comptez sur M. Vedel, nous n’en finirons jamais… et surtout envoyez-moi de quoi dîner ou je serai obligée de dévorer mes enfants comme Ugolin ![2] »

A la Comédie-Française aussi, on parait être en pleine effervescence. « Ils sont tous en révolution à la Cour du roi Pétaud. Le Comité se prend aux cheveux avec le ministère. Le ministre veut donner sa démission, prétendant qu’il aimerait mieux gouverner une bande d’anthropophages que les comédiens du Théâtre-Français[3]. »

Enfin Cosima est jouée le 29 avril. L’auteur redoutait une « sifflade de première classe. » Ce fut cela en effet : « J’ai été huée et sifflée comme je m’y attendais, écrit-elle à Calamatta : chaque mot approuvé et aimé de toi et de mes amis a soulevé des éclats de rire et des tempêtes d’indignation. On criait sur tous les bancs que la pièce était immorale, et il n’est pas sûr que le Gouvernement ne la défende pas… Les acteurs, déconcertés par ce mauvais accueil, avaient perdu la boule et jouaient tout de travers[4]. »


Cette chute de Cosima est de mauvais augure, et la « sifflade » présage d’autres orages. L’année 1840 verra naître le Compagnon du Tour de France, roman issu des idées sociales que Pierre Leroux avec George Sand cultivait. On verra surgir à cette époque

  1. Inédite.
  2. Collection S. de Lovenjoul, ibid.
  3. Correspondance de George Sand.
  4. Ibid.