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disait déjà, il y a deux mille ans, un officier romain qui les connaissait pour avoir fait campagne en leur sauvage pays, — s’entendent à merveille, dans les pièges qu’ils préparent, à masquer le vinaigre sous le miel.

Violence aussi bien que ruse, tout demeura cependant inutile et, sous la menace même des baïonnettes prussiennes, le scrutin du dimanche 1er février 1874 manifesta l’éclatant triomphe et de la protestation française contre l’annexion, et de la protestation catholique contre Bismarck. Dans les quinze circonscriptions électorales, les quinze candidats français furent nommés avec des majorités écrasantes.

Voici les chiffres d’ensemble[1] :

Protestation française (catholiques et libéraux), 191 782.

Parti de l’autonomie, 41 945.

Allemands, 5 193.

Socialistes, 2 457.

Le journal le Temps résumait ainsi ce résultat : « L’idée de la protestation politique et nationale contre l’annexion et celle de la protestation ultramontaine contre les lois ecclésiastiques de M. de Bismarck, deux idées qui s’étaient alliées sans pourtant se confondre, l’ont emporté partout… Il n’est pas douteux que bien des électeurs libéraux et même libres penseurs ont apporté leur contingent à la majorité qu’ont obtenue les candidats ultramontains. Les ultramontains, de leur côté, ont appuyé, à Strasbourg et à Mulhouse, les candidats de la protestation purement politique et française[2]. » C’étaient, à Strasbourg, M. Lauth, et à Mulhouse, M. Hœffely, tous deux protestans.


Ainsi que nous l’avons vu, les députés d’Alsace et de Lorraine ne parurent pas à la séance d’ouverture du Reichstag, le 5 février. Avant de commencer à siéger, ils avaient jugé utile de se rencontrer, car beaucoup d’entre eux, soit par suite des différences d’opinions, soit par suite de l’éloignement de leurs domiciles respectifs, ne se connaissaient pas encore. En prenant contact, ils voulaient se concerter sur la conduite à tenir devant le Reichstag et la procédure de leur protestation.

  1. Le Temps, 9 février.
  2. Le Temps, mercredi 4 février.