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papiers, nous le suivons jour par jour, presque heure par heure ; il visite, gourmande, harcèle tous les membres du corps diplomatique rassemblés à Paris ; il leur écrit sans cesse, leur fait passer des notes. Aux plénipotentiaires étrangers, il met en avant le désir ardent, prétend-il, des Sarrebruckois, de rentrer dans la patrie allemande et d’être débarrassés de la « tyrannie française ; » il se garde surtout de leur parler des mines. Ce n’est qu’avec les plénipotentiaires prussiens qu’il aborde ce sujet qui est celui qui lui tient le plus au cœur, le vrai motif de son insistance et doses intrigues.

Le 13 août, il est reçu par le prince royal de Wurtemberg, qu’il supplie d’intervenir pour faire rentrer dans la patrie allemande les 20 000 Sarrebrückois laissés à la France par le Traité de Paris. le 14, il écrit à Hardenberg pour lui rendre compte de ses démarches. Le même jour, il s’adresse au ministre de Russie dans un véritable rapport policier où, après avoir exprimé les doléances des Sarrebruckois, « pillés et ravagés pendant vingt et un ans de domination française, » il accuse Talleyrand de spéculations sur les mines de houille. Il revient quelques jours plus tard sur ce dernier point, dans sa correspondance avec Hardenberg.

Le 16, c’est au plénipotentiaire autrichien, Metternich, qu’il s’adresse ; le 19, il insiste auprès de Stein, le ministre prussien, sur l’importance des mines de houille. Le 25, il rédige des lettres-suppliques pour les trois souverains de Prusse, d’Autriche et de Russie. Dans le mémoire qu’il établit pour Hardenberg, il donne un plus libre cours à son désir fébrile d’exciter davantage encore les convoitises prussiennes ; on y lit ce passage :

« La ville de Sarrebruck a beaucoup d’importance, comme étape de commerce, pour les pays prussiens situés en aval, et elle en aurait davantage encore si, par la possession des petites forteresses de Thionville et de Sarre louis, la Moselle et la Sarre étaient assurées au commerce prussien[1]. »

Böcking sait bien qu’il s’adresse à des convaincus quand il écrit aux plénipotentiaires prussiens ; néanmoins, il redoute leurs compromissions et leur faiblesse au dernier moment ; aussi insiste-t-il avec une fatigante ténacité. Il ressasse à leurs oreilles averties l’énumération des richesses des cantons de

  1. Cité d’après le manuscrit conservé aux Archives nationales, par P. Vidal de La Blache, La France de l’Est, p. 220.