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j’ai fait tout ce que j’ai pu pour vous aider à supporter votre mauvaise fortune, et je croyais que je ne méritais pas les deux dernières lettres que vous m’avez écrites.

« Maurice m’a écrit mercredi pour l’envoyer chercher. Il a passé la journée avec nous, il a été charmant[1]. »

Mais quels sont ces Mémoires auxquels la note de F. Buloz fait allusion sur une des lettres précédentes ? Quelques lignes de sa main nous donnent l’explication indispensable ; elles commentent aussi les changements survenus dans la correspondance de George Sand… Ces lignes sont écrites le 21 novembre 1835, et résument la situation.

« Nouvelle lettre… sur ce fameux traité des Mémoires par lequel G. S. m’avait forcé de contracter un emprunt de 40 000 francs et dont elle veut maintenant se dégager.

« Dans l’hiver 1834 à 1835, lors de la rupture avec Alfred de Musset, George Sand (qui joua une comédie dont nous fûmes tous dupes) voulait, disait-elle, se tuer, mais faire ses Mémoires avant, ses Mémoires, mais en quatre volumes pour laisser une dot à Solange. Elle fit venir Dutheil, l’avocat de la Châtre, à Paris, pour faire le traité, me forçant à la mener chez un notaire pour le signer. Une fois signé, et ayant touché 10 000 francs au lieu de penser à mourir, elle pensa à se consoler dans les bras de Michel de Bourges. De là une intrigue pour me forcer à rompre le traité, de là cette lettre… »

Dans la lettre, qui indigne si fort F. Buloz, George Sand lu raille précisément sur cet emprunt qu’il a contracté pour lui rendre service… Elle affirme : « le temps a des ailes… je vous conseille d’y suspendre les énormes intérêts que vous payez pour les 40 000 francs d’emprunt : je me porte bien, Dieu merci, et nous sommes plus près du 2 décembre que de ma quatre-vingtième année, et je ne veux pas mourir, ne vous déplaise, avant d’avoir été trois fois grand’mère… » — On voit combien ce ton est différent de celui des lettres de Venise, alors que, dans sa détresse, elle demandait à son ami un appui et une aide… Les choses ont changé ; d’ailleurs elle le dit : « N’ayant plus de ces dettes criantes, et de ces impérieux besoins d’argent qui m’eussent fait prendre la lune avec les dents, » elle n’offrira plus à personne, elle y est décidée, « l’occasion de ces

  1. Inédite, — Collection S. de Lovenjoul.