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après celle, sans aucun rapport avec elle, du général sir Frederick Maurice, ait paru servir, comme ailleurs, à nourrir des polémiques de politique intérieure. Nous sommes dans un temps et nous vivons des jours où trop de présence d’esprit parlementaire dénoterait l’absence d’esprit politique, et où, sous peine d’être nuisibles et dignes de réprobation, les exercices de tribune ne doivent plus être qu’un ludus pro patriâ.

Le parti libéral anglais et ses leaders, M. Asquith, M. Runciman, ont quelque chose de mieux à faire que de discuter académiquement sur les suites qu’aurait pu avoir une proposition, frappée de vanité originelle, qui ne pouvait pas en avoir. Que, sur ce chapitre, ils se contentent de constater que la publication de ce document, entouré des commentaires du comte Czernin, laisse l’Europe centrale en posture pire encore que ne l’avaient mise le mémoire du prince Lichnowsky et les rapports de M. Muehlon. Qu’ils collaborent avec le gouvernement britannique à résoudre la crise irlandaise. S’ils désirent savoir à quoi pense l’Allemagne, ce qu’elle veut, ce qu’elle fait, qu’ils regardent là. Voilà vraiment du travail allemand, voilà vraiment l’Allemagne à l’œuvre. Elle réédite en mai 1918, avec sa capacité inépuisable d’auto-imitation, les scènes qui, il y a exactement deux ans, en mai 1916, furent comme une répétition, comme un essai manqué, de la révolution bolchevik. Cette fois, à la découverte du péril, les autorités anglaises semblent être sorties de l’indifférence optimiste qu’elles avaient toujours montrée. Elles semblent enfin s’être avisées qu’on ne va pas à la bataille avec une épine dans le pied. Mieux eût valu l’onguent que le bistouri ; mais, puisque l’un n’a pas été appliqué à temps, force est bien que l’autre intervienne. La loi suprême, en ces heures tragiques, dans tous les conflits de peuples, de classes ou de partis, est que la vie de la nation ne peut pas être une minute interrompue, et, pour qu’elle soit sauvée, que l’unité de la nation ne peut pas être une seconde compromise.


CHARLES BENOIST.

Le Directeur-Gérant, RENE DOUMIC.