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le moins contribué à lui conquérir cette louange suprême.

Dans les autres pays alliés, la conduite des Tchécoslovaques a été la même qu’en France. La colonie tchèque en Grande-Bretagne est peu nombreuse, mais 90 pour 100 de ses membres se sont engagés dans l’armée britannique. Il y a également beaucoup de volontaires tchèques dans les régiments canadiens, dont on connaît assez la bravoure tout ensemble impétueuse et patiente. Aux Etats-Unis, aussitôt la guerre déclarée, les émigrés de Bohème et de Slovaquie comptent parmi ceux qui ont répondu avec le plus joyeux empressement à l’appel du président Wilson.

En Russie, la situation présentait un aspect particulier. La colonie tchèque était là beaucoup plus considérable qu’en aucun autre pays d’Europe : elle se chiffrait par milliers, non plus par centaines. En outre, il y a eu dans l’Empire russe, à la suite des événements militaires sur lesquels nous reviendrons, et dès les premiers temps de la guerre, un nombre immense de prisonniers tchèques. Ceux-ci, toujours profondément pénétrés du sentiment de leur devoir slave, se sont aussitôt rangés à côté de ces frères de race que la veille on les forçait de combattre malgré eux. A peine leur avait-on permis de s’engager dans l’armée russe que plus de 20 000 se proposaient spontanément, sans aucune contrainte matérielle ni morale. Groupés en bataillons d’éclaireurs, ils sont bientôt devenus assez nombreux pour former un corps autonome, la brigade tchécoslovaque, dont les généraux ont maintes fois signalé l’initiative audacieuse et l’inlassable endurance. Notamment dans cette offensive de l’été dernier qui a fait luire à nos yeux des espérances si belles, — et si courtes, — la part des Tchéco-Slovaques est une des plus brillantes comme des plus utiles. A Zboroff, ils capturent 62 officiers, plus de 5 000 soldats, et 15 canons. Quand on les charge d’une simple démonstration sans portée sérieuse, ils trouvent le moyen d’enlever à la baïonnette trois lignes de tranchées. Leurs pertes en officiers, dans certains régiments, atteignent 100 pour 100. Broussiloff, qui relève le fait, ajoute ces lignes significatives : « Ces Tchéco-Slovaques se sont battus comme des diables. Ils sont une des exceptions qui font ressortir la honteuse décadence générale de l’armée russe. Perfidement abandonnés à Tarnopol par notre infanterie, ils se sont battus de telle façon que tout le monde devrait se mettre