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toujours épris de gloire et de tendresse. La gloire, il doit y renoncer pour toujours ; mais il touche le cœur d’une jeune fille, — sa fille, — et il part avec elle, déçu à la fois et consolé (le Coup d’aile). — Une sauvagesse, plus proche encore de la bestialité que de l’humanité, s’élève peu à peu au christianisme et à la civilisation la plus raffinée. Une religieuse un peu naïve, un anthropologue bien imprudent la prédestinent alors au relèvement intellectuel et moral de ses compatriotes africains. Malheureusement, dépouillée de sa foi chrétienne, éloignée de celui qu’elle aime et dont le caprice ou l’utopie la contraignit à une entreprise chimérique, elle revient à sa sensualité, à sa cruauté primitives ; mais elle y revient avec la connaissance du bien et du mal, et ses plaisirs sans joie la laissent désespérée (la Fille sauvage).

Sujets rares, on le voit ; les uns subtils, raffinés, inquiétants (la Danse devant le miroir) ; d’autres d’une grandeur étrange et terrible (les Fossiles) ; d’autres magnifiques et confinant au sublime (la Nouvelle Idole) ; presque tous passionnément douloureux, et qui auraient tenté un Corneille, parfois même un Eschyle.


Et c’est le souvenir de Racine qu’évoque la façon dont ils se développent ; car M. François de Curel est d’abord un psychologue et, chez lui, la hardiesse de la conception n’a d’égale que la simplicité de l’exécution.

Le drame d’abord n’intéresse jamais qu’un tout petit nombre de personnages : trois au plus, quelquefois deux, souvent un seul. Ce souci de concentrer l’intérêt sur un couple de protagonistes est sensible, par exemple, dans la Danse devant le miroir, version nouvelle de l’Amour brode. En 1893, M. de Curel flanquait Gabrielle non seulement d’une cousine confidente et complice, mais d’un vieil oncle et d’une vieille tante aimablement ridicules… En 1914, ces deux fantoches ont disparu ; la cousine elle-même perd de son importance ; on ne nous initie plus à ses prouesses passées, et toute notre attention se porte désormais sur ces pantins tragiques que sont Régine et Paul.

Pareillement, l’action ne sort presque jamais des limites étroites d’une maison. C’est que le drame se joue toujours dans une conscience. Le retour d’une religieuse relevée de ses vœux