Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

énorme que doit produire à la gueule la charge de poudre considérable qui donne à l’obus sa grande vitesse, on comprend que les Allemands aient d’abord évité de la faire tirer la nuit.

Si depuis ils se sont ravisés, s’ils tirent parfois la nuit, c’est que leurs pièces ont été repérées par une autre méthode et qu’ils n’en peuvent douter, aux obus d’A. L. G. P… français qui en arrosent à chaque tir les emplacemens.

Cette méthode c’est le repérage par le son, invention française aujourd’hui appliquée sur une large échelle et sous des formes à peu près identiques dans les armées alliées et dans les armées ennemies. Je dirai quelque jour la genèse et l’histoire de cette invention, histoire étrange, extraordinaire. Pour aujourd’hui nous nous bornerons à en indiquer le principe fort simple et universellement connu maintenant des artilleurs du monde entier.

Imaginons deux observateurs X et Y placés à quelques centaines de mètres l’un de l’autre tout près du front de combat, communiquant entre eux par téléphone ou télégraphe, et munis d’appareils qui leur permettent, si une détonation se produit, de savoir exactement s’ils entendent celle-ci en même temps, ou l’un après l’autre, et avec quelle différence. Imaginons, pour fixer les idées, que l’observateur X entende un coup de canon donné une seconde exactement avant Y. Cela veut dire, puisque le son parcourt 330 mètres en une seconde, que la pièce est plus près de X que de Y de 330 mètres.

Si, autour du point X, je trace sur la carte des cercles successifs de 1 000, 1 100, 1 200 mètres de rayon, etc. et autour de Y des cercles ayant respectivement 330 mètres de plus de rayon, c’est-à-dire 1 330, 1 430, 1 530 mètres, etc. chacun des cercles de X coupera le cercle correspondant tracé autour de Y en un point qui pourrait être l’emplacement du canon, puisque ce point est plus près de X que de Y de 330 mètres. Réunissons par une ligne tous ces points d’intersection. Cette ligne, bien connue de tous ceux qui ont fait de la géométrie élémentaire, c’est une hyperbole, l’hyperbole étant comme on sait définie : le lieu des points tels que la différence de leurs distances à deux points donnés est constante et égale à une valeur donnée.

Le canon cherché se trouve nécessairement en un point de cette hyperbole ainsi tracée sur la carte.

Si on détermine de même la différence entre l’instant où X entend le coup et celui où un troisième observateur Z, placé plus loin, l’entend, on pourra tracer de même autour de X et de Z une double série de cercles dont les recoupemens fourniront une deuxième